
Ici les yeux deviennent asphalte à force de mordre la poussière, se relever, se relever encore, sans arrêt, sans écho, marre des écorchures, des échardes dans la peau, du sang sur les genoux.Etire le corps, allonge la foulée, tente d’épuiser méthodiquement la mélancolie jusqu’à en perdre la trace comme l’origine, qu’elle se réduise en une sorte de point de côté certes persistant mais léger.
Travaux de couture mais sans aiguilles, bien trop risqué puisque le sang circule mal, que le froid engourdit les doigts.Se trouve une fois de plus à court d’arguments pour raccomoder sans cesse, relier les morceaux épars comme ce qui part en lambeaux.
Se résoudre à tailler dans la matière, ce qu’il en reste, mettre la peau à vif, faire claquer l’elasticité des tissus pour en découdre violemment, d’un coup sec avec ce qui ne tient plus qu’à un fil.Jeu de massacre sur patchwork.Ne cesse de buter sur les cadavres pas si exquis qui jonchent partout le sol et grimpent le long des murs, fissurent.Découper le lien, dégommer la liaison, s’en tenir là, le doigt en mode majeur, dressé bien net à la verticale.Faire sens immédiatement histoire d’éviter les malentendus comme la sensation récurrente d’enfanter toutes sortes de freaks en excroissances douteuses qui très vite se collent à la peau voire même sous le derme pour les plus vicieuses.
Les supplier de vivre leur vie mais sans toi.
Au charme de la démence promettre de goûter juste le grain de folie ou bien se clouera le bec comme la bouche cousue.Ecrire n’adoucit rien, te heurte même davantage.Pour atténuer essaies tant bien que mal de déjouer le truc, te démultiplies, cherches distance pour ne pas tomber.Se paume forcément.
Cesser de se perdre à n’en plus finir dans des amours comme on part au combat.
Comment veux-tu avec tout ça, entendre quelque chose, être ici et maintenant, simplement en soi et avec l’autre, simplement.
Ecrire dans un espace nu particulièrement résistant, entrouvrir, faire brèche, tracer chemin en estafilades à travers le dédale.Déambuler parmi toutes ces pièces qui en contiennent d’autres et souvent se refusent, les fouler du pied comme ça négligemment l’air de rien, avant de viser, au centre.Y a un gnome, un goal pardon, contourner l’obstacle ou lui foncer dedans, faire masse, se prendre un carton jaune mais griller le rouge.
Parce-que la vie, ce qui s’y passe, c’est à n’y rien comprendre tu ne crois pas ?
Faudrait juste éviter de se répandre en fuites perpétuelles.
Faudrait juste arrêter de vendre la mèche avant d’avoir trouvé.
Alors tu butes, trébuches et manques ta cible, trop conne, mais arqueboutée, archibutée surtout, recommences.Forces le passage, enfonces la tête, finis tant bien que mal par t’engouffrer.Te planques dans l’un des orifices.C’est long, c’est étroit.
A bien envie d’entrouvrir l’oeil, de bouger son petit doigt, voire même de relever la tête genre esquissons un signe de vie avant que tout cela ne disparaisse en fumée, en parallèle persiste à se demander pourquoi et à quoi bon moribond, puisque c’est con comme la lune, jouer à faire semblant d’être morte, fonctionne à tous les coups.
N’est pas stratège qui veut.
Et c’est là qu’en principe ça vole en éclats, déflagration de mots en désordre comme s’il en pleuvait, aime assez comme ça retombe en longs mouvements décomposés, désordonnés.De l’air, de l’électricité dans l’air, ça grise et tu te laisses prendre violemment comme une fille facile, humide, rectification libre.
S’abandonnent les mains, les résistances, se déplient phalanges une à une jusqu’à laisser glisser, filer, dégringoler, ne rien vouloir saisir c’est peut-être aussi pouvoir recueillir toutes ces choses infimes, dérisoires, mises à l’écart, celles dont personne ne veut mais qui imperceptiblement te touchent jusqu’à envahir l’espace de fines particules sensibles, fragiles et délicatement colorées.
Cette nuit j’ai rêvé la pièce blanche, vaste et nue dont je connaissais l’existence mais fini par oublier, tellement encombrée, surjouée, qu’elle en avait perdu sa forme, sa matérialité, me semblait devenue impossible d’accès.Je ne cherchais plus, j’avais presque renoncé, sous mes paupières closes s’est ouverte d’elle-même de manière souterraine.
Ouvrir quelque chose, quelque chose de neuf et qui pourtant existait.
Envie de se défaire de la tentation presque inévitable d’une mise en scène de l’intime, se foutre également des faux problèmes d’identité soi-disant multiples, simples prétextes à distorsion pour immanquablement se dérober, genre je m’emmêle et me perds de vue chaque fois que je parviens à toucher vraiment quelque chose.
S’en tenir à l’extime de manière crue voire sèche devrait largement suffire, lecture à plat déroulée sans effets, rien à voir avec le renoncement et l’ennui, peut-être bien le contraire, comme si l’exercice consistait finalement à n’attendre qu’une forme d’éblouissement mais d’une luminosité suffisamment forte, puissante, étanche, pour effacer l’artificiel sans aveugler.Effacer ce qui ne fait plus sens, toutes ces choses déjà mortes, en décomposition, qui néanmoins s’accrochent et persistent à survivre jusqu’à l’étouffement.
Révéler ce qui de l’enfance, de l’origine, même si aujourd’hui totalement modifié, est encore simplement vivant, possible.
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5 Comments
putain de sa race qu’est-ce que c’est beau ici
Merci *
Je vous ai écrit ça hier, je sais ça sert à rien, je sais tout ça :
A Simon de La Brosse Savannah Édouard Levé Kurt Cobain, artistes marqués par la souffrance du double et du dédoublement
Il est l’heure de recommencer les contours tu es loin maintenant beaucoup trop loin pour venir ici compter mon ongle dans mes bouches.
Je m’attends j’écris je me suicide un peu oh pas longtemps non pas longtemps quelque gouttes entre mes mains qui tombent.
Avec l’ombre des conifères au loin qui se balancent ici dans la cour.
Qu’est-ce que c’est beau le ciel quand nous marchons côte à côte dans la cour.
Moi j’oublie tout.
J’oublie tout j’oublie même d’exister j’oublie tout.
J’imagine qu’on vient me chercher par la main j’imagine un lac immense où nous avons noyé les bêtes pour ne plus les entendre.
Enfant on ne savait pas nous c’est eux c’est les autres enfin c’est les plus grands.
Nous on était dans la grange qui prenait feu on avait peur de parler peur de dire ce que l’on n’avait jamais vu.
On savait on savait tout sur le désir l’amour la mort et sur le deuil.
Les longues plages devant nous pour oublier le temps.
Le sable qui colle sous la langue quand les larmes étaient plus fortes que tout.
Le soir et la pluie comme un uniforme un peu trop lourd que j’ai porté la dernière fois quand je t’ai mis dans la terre avec tes parents.
Je te portais à bout de bras la cendre était encore chaude dans mon cœur.
Il y avait une vitesse extraordinaire à ne pas dépasser entre les deux formes étranges qui pouvait être un cercle ou autre chose et nous voilà dedans.
Qui absorbons les jours à venir les journées immenses dans les horizons sanguins en train de tomber dans la mer avec toutes les fleurs que nous avons jeté dans la direction du vent.
Je crois que tout est fini tout est terminé tout se consumera avec la pluie nous pouvons partir dans la direction du vent nous aussi.
Il y a la mémoire des amours fous des peurs qui serrent le ventre avec la feinte du corps pour ne plus avoir mal quand le corps est posé là devant nous comme une balise un endroit sec un hématome.
Une cicatrice.
À nous de la contourner à nous d’être plus fort que la dernière fois je n’ai pas pu non je n’ai pas su trouver les mots.
J’étais trop mal j’étais devenu quelqu’un d’autre.
Alors à toi et à toi seul maintenant de traverser les déserts à plat ventre comme s’il pleuvait des larmes et des vents contraires dans le cœur d’un homme tu dois te relever tu dois faire quelque chose.
Il y a toute ton histoire qui passe sur un écran géant quand le livre est ouvert sur la table.
Tu veux tout calculer tu veux tout savoir tu veux brouiller les pistes tu ne cherches plus ta route quand tu es perdu.
Tu rajoutes une couleur là et puis là tu cris plus fort que les autres jours mais plus personne n’entend plus personne n’est là pour t’entendre dire que tu es seul.
Et tu voudrais mourir un peu.
As-tu été un enfant comme les autres as-tu été un enfant comme les autres ?
Tu calcules les chances qu’il te reste encore.
Tu peints des autoportraits sur du silence 17 jours avant ta mort.
Edouard Levé se lève pour écrire une dernière lettre à sa femme et va plier le cadran dans les heures les heures dans du papier journal.
Et si le temps était compté et si le temps était dans la marge d’un cahier transparent pour regarder son corps écrire.
Quelle catastrophe et puis quoi d’autre ça ne sert à rien tout ça même pas à vivre.
Qu’est-ce qu’on pourrait faire aujourd’hui qui n’a pas bien fonctionné hier je te le demande à l’intérieur de moi.
Edouard Levé se lève avec un téléphone à la main et se dirige dans la chambre de ses enfants pour leur dire que tout va bien.
Qu’il ne faut pas s’inquiéter comme ça que c’est un mauvais moment à passer dans la vie d’un homme.
Que papa vous aime que papa est en train d’écrire un nouveau livre qui parlera d’amour d’amour et de désir.
Peut-être aussi d’une femme.
Et qu’il faut le laisser tranquille avec ça car c’est son histoire à lui je vous embrasse sur la peau les enfants.
Papa vous embrasse je vous aime prenez bien soin de vous je vous embrasse je vous aime je vous embrasse prenez bien soin de vous.
Papa vous aime.
Vous êtes mes amours.
Vous aspirez au double ,
Je fais valoir l’unique.
Vous rêvez de l’osmose ,
Je propose l’échange.
Vous pensez en fusion,
Je clame la différence .
Vous parlez au pluriel ,
J’exprime l’identité .
Vous tentez de cerner ,
Je nourris le mystère.
Vous voulez assiéger,
Je resterai rebelle.
Vous déposer vos mains,
Je me livre toute entière !
A Camille.
Les boulevards circulaires
« Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure »
Sous les voûtes vertes des oiseaux des cascades de ciel
Les valses d’hirondelles dans l’air d’étincelle
Des fils de plumes avec des croissants d’ailes
Là-bas la nappe d’argent des eaux couronnées de feuillages
C’est mai enfin avec un doux soleil dans les veines
Et ce matin la tête loin des orbites frémissantes de jade
Ce matin le temps roule dans les avoines
Comme le serpent des eaux glisse autour des nuages qui volent
Au vent soyeux des mèches de graminées rondes
Et ce matin la tête comme les stades de silence aux boulevards circulaires
Où demain aux longues allées remord toujours la queue d’hier
Un vent comme les longs bras de la faux couchent les fumées bleues des toitures
Et ce matin la tête a ses roses qui penchent au dessus des gouffres
Un vent comme la ville dans les yeux de l’enfant sauvage
Jette les taches écarlates des coquelicots sur la poitrine
Le cheval fort fait le sillon où le pied glisse
Le nez dans les roues lourdes de la brouette
Les eaux d’argent du matin sont maintenant très bleues
Dans le regard impromptu du renard qui s’éclipse
Et ce vent de voiles empesées de barcasse de marais
Mais qu’elles viennent ! L’hirondelle vive ou la gazelle des sources
Ou la précieuse pluie des feuilles de papillons
Avec des coquelicots et les rires orangés des papayes
Et ce matin la tête broute le chapelet incessant des jours
Et aux lèvres qui penchent montent seules les bouffées de silence
Et les nuits hantées de patience et leurs jours
Il n’y a plus rien pour tenir les longs fils des clôtures plus rien
Comme le sable sous les pieds nus au ressac des rouleaux d’écumes
Se dérobe