Le manque est un pays habité, presque un joyeux bordel, si seulement tu étais là pour voir ça.Il y a du bleu, de l’orage, parfois ça vire au gris, juste un trait d’anthracite, la lumière reste belle.Souvent il pleut mais tu aimerais je crois, elle est fine, douce et chaude comme la mousson, une pluie de fin d’été qui s’étire en longueur, rafraîchit simplement la terre lorsqu’elle craque sous les pas.Où la musique persiste à se jouer chancelante, s’infiltre, transperce la trame légère du corps, s’agite et gonfle la poitrine, creuse chaque jour un peu plus à l’intérieur du ventre.Un vieux trente-trois tours dont le sillon usé, la mélodie désaccordée, te fait encore danser, s’entête à ressurgir et ne te lâche jamais vraiment.Une trace, biffure anachronique et récurrente, qui se décolle un peu au bord et s’effiloche lentement comme le papier ancien, trop fin, sur les murs de la chambre.Et moi quand c’est comme ça sans toi, je suis un peu perdue et parle aux inconnus.Il m’arrive même de leur rouler des pelles, pas si souvent, la cadence n’est pas très régulière mais je garde le ryhtme et puis le vent me pousse alors j’essaie.J’y crois juste le temps d’entrouvrir vaguement les lèvres, de fermer les paupières mais seulement jusqu’à sept et je rouvre les yeux.Ici personne pour abandonner ce qui se brise ou semble foutre le camp puisque je garde tout mais sans rien rassembler.C’est un vaste pays aux contours mal définis, un peu en ruines forcément, une terre accidentée où fréquemment je tombe, m’écorche les genoux comme une gamine instable qui cherche à se tirer quand les choses tournent mal.Pourtant chaque jour il y pousse quelque chose, j’ai fait sauter les mines, effacé les empreintes mais sous la peau me reste des éclats.Le manque est un pays étrangement libre qui néglige les frontières, n’oppose plus résistance, se balance des distances, me parle en plusieurs langues.Un espace interlope où personne ne rejoint jamais vraiment personne.On pourra dire que j’aurais tout essayé, varié les postures, brouillé les pistes, franchi quelques étapes, d’ailleurs je continue.Si tu savais combien de fois j’ai dansé sur ta tombe puisque ça n’en finit pas de vivre et de mourir dans ce qui ressemble presque à un joyeux bordel.Si seulement tu étais là pour voir ça, tu danserais avec moi.Comme quoi tu vois, il suffit d’une absence, d’un espace entre deux corps, pour planter un décor, trouver un endroit où vivre, même sans toi.
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Toutes ces filles qui vivent dans mon corps by Céline Renoux is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 France License.
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