A force d’habiter son silence, de le maintenir en vie jusqu’à l’épuisement, pour ne pas le voir s’éteindre, pour ne pas se perdre dans l’errance, elle finissait par ne plus entendre que sa seule respiration, palpitante, saccadée, fragile, plus légère qu’un bruissement d’ailes.Ici comme une sorte détention provisoire dépourvue de limite, un affranchissement de l’espace et du temps, si la distance creuse un écart, elle ne change rien, esquisse juste d’autres paysages, invente d’autres rites, d’autres lignes de fuite.A mesure qu’elle s’enfonce dans les sables brûlants à en perdre le souffle et la trace, elle étire son imaginaire jusqu’à l’infini, se hisse et s’enroule à la corde sensible, cristallise le souvenir pour s’y fondre en une dérive fluide, onirique, proche de l’ivresse.Dans la chambre close et obscure, aux teintes délavées de pourpre, se répand une onde lumineuse qui vient inonder les nacres de la peau laiteuse, les images s’animent, se délient, dansent sous ses paupières closes, comme éclairées par une lanterne magiques.Elle peut suivre mentalement du doigt les nervures bleutées, délicates, émouvantes, pour parvenir à la bouche si douce puis au désir de tremper ses lèvres dans le calice.S’égare dans l’intervalle interminable, traque le moindre rayon, tente de le retenir avant qu’il ne se dérobe, le capture par éclipse, tout en continuant de tanguer au rythme fluctuant, chaotique, du balancement interne.Quelquefois les forces lui manquent pour continuer la lutte, alors elle chavire volontairement, se laisse engloutir dans les profondeurs pour pouvoir remonter à la surface et trancher dans le vif.Le rouge électrique comme les ombres s’effacent, l’orage s’éloigne, elle savoure cette trêve inattendue pour s’abandonner au calme.Seul le parfum mélancolique de la pluie demeure sur le bout de sa langue.Se blottir presque immobile dans cette chrysalide tissée d’un fil trop mince, qui oscille dangereusement, la suspend en équilibre, fermer les yeux, prendre garde au vertige, chercher la liaison entre nuée ardente et blanche coulée de neige.La peau est lisse, pâle, comme un galet très doux poli par la violence des vagues, les écorchures demeurent invisibles à l’exception d’une minuscule et presque imperceptible étoile de mer.L’empreinte dessine son tatouage de l’intérieur, clandestinement, grains de beauté secrets, étrange entrelacs de fleurs sauvages et de serments incisés en fines lanières, comme une mémoire à l’encre bleue qui se répand, se dilue en d’indéchiffrables constellations, mais ne s’efface pas.Le lierre grimpe, l’envahit peu à peu, la maintient prisonnière, pénètre par toutes les pores et recouvre la moindre parcelle intacte.La vision devient fractale, le contour irrégulier, la ligne se brise, mais la pupille demeure fixe et tendue vers l’horizon.A force d’y brûler son regard, le ciel lentement se déchire, l’étoile s’irise en multiples reflets et de la toile calcinée se révèle une mince coulée d’or.
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Toutes ces filles qui vivent dans mon corps by Céline Renoux is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 France License.
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6 Comments
c’est fabuleux Céline…je suis sans mot…
très jolie la dernière peau de votre étoile…vraiment…
Renard des Sables*
ça débute comme un cri d’Amour si puissant qu’il impose tous les contours…Les mots ne sont même pas choisis tellement ils sont évidents…
Je ne pense pas qu’un seul lecteur puisse sortit indemne de cette lecture; au moins hypnotisé…
Tu es tellement talentueuse…Merci !
Magnifiques poèmes !!!
merci pour ces commentaires..parce-que même si je les trouve un peu excessifs ou trop « grands » pour moi, cela me fait vraiment plaisir si ça vous touche.
c’est très bien écrit ! Un peu dense dans la mise en page donc difficile à lire toutefois… Bonne continuation !!
Julien – http://www.julienlootens.com