Les mots ce matin sur la page, pâles et sans reflets, juste des mots blancs, des mots pour rien, qui creusent la distance de leur étrangeté désincarnée, de leurs caresses sans relief ni écho, et les mains, inutiles, hors d’usage, sans le contact avec la peau.Pourtant le corps cherche encore en aveugle, le creux, le refuge, les yeux se perdent dans les failles, traquent la moindre lueur, les lèvres effleurent les courbes, les reliefs, s’attardent sur les aspérités et les cicatrices en forme d’étoile minuscule, mais il y a si peu de prises, la paroi est trop verticale, la terre friable, elle lui glisse entre les doigts et le souffle lui manque, trop de silence aussi à en perdre le langage.Elle s’en fout, elle est là, mais pas entièrement, quelque chose est resté suspendu et semble retenir le poids à l’intérieur du corps, quelque chose d’un peu planant qui amortit la violence des chocs, ralentit l’intensité des chutes, quelque chose qui ne tient sans doute qu’à un fil mais dont la fibre paraît solide malgré l’usure et la décoloration des tissus.Elle se souvient que tu la serrais toujours trop fort, au début des bleus partout sur le corps, plus marqués sur les bras, les seins, les hanches, les cuisses, trop sensible aussi à la surface, alors apprivoiser lentement l’enfant sauvage, le rendre à la douceur, maintenant les traces, l’empreinte, s’inscrivent en dessous, en filigrane, mais l’encre tarde à sécher, te laisse orpheline, collectionneuse de grains de beauté sur la peau, essaimés, perdus.Et le noir et l’or et la cendre se jettent dans le fleuve sous l’incandescence du ciel, où se précipite chaque pulsation, chaque battement de ton souffle sur son cou jusqu’à l’arc retroussé de la bouche en éclosion de chaleur.Faire des bouquets de tout ça, pour rien, pour personne, juste libérer les couleurs, les parfums, effeuiller la marguerite sans altérer la corolle délicate, pour la sentir toute neuve et toute nue sous les doigts.Vivre vite, plus vite que la mélancolie, embrasser le bleu qui file de tes yeux et vient se mélanger au rouge de la bouche.Dans l’obscurité se noient les caresses en cascade dans lesquelles tu te glisses.Sans y laisser de plumes enlaces et puis oublies. Plus vite, plus vite que le battement ou la vitesse du vent.
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Toutes ces filles qui vivent dans mon corps by Céline Renoux is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 France License.
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4 Comments
Tout en finesse et en beauté ! C’est superbe, j’adore !!
Merci Françoise
« plus vite que la mélancolie »
tout s’articule en sensualité autour de cette déchirure
beau Céline.
merci Kouki *