Tu me dis en anglais, puisque souvent nous nous heurtons aux limites de la langue, aux petites frustrations qu’elle engendre, nous n’avons pas besoin du langage, il y a d’autres formes de langage. Je ne te réponds pas, acquiesce en quelque sorte, sans pouvoir m’empêcher de penser à quelques-uns des mots de Barthes dans ses fragments d’un discours amoureux. Pourtant c’est vrai que si je me place en observateur, si je cherche traces, je constate qu’il n’y a pas d’encre sur ma peau lorsqu’elle se froisse contre la tienne. Seulement la sensation de chaleur que provoque la circulation du sang lorsqu’elle s’accélère dans nos veines. Ce même sang qui irrigue et alimente, la subtile, la dévorante, la tendre mais cruelle mécanique. Et puis ce léger goût de sel qui reste un moment sur la langue avant qu’il ne s’évapore. Alors puisque c’est comme ça, je ne t’écrirai pas mais je promets d’écrire aussi longtemps que j’en conserverai le souffle. J’inventerai ce qui pourrait se dire et se jouer si nos jours n’étaient pas comptés, j’écrirai simplement les regards, le silence, le désir et la peau, ne m’éloignerai plus du vivant et de l’organique, de l’origine et de son essence. Je me souviendrai des yeux qui tombent dans le regard de l’autre, de ton hyper bleu qui fugacement me pénètre puis retourne à son ailleurs. Le corps est un objet physique mais le corps amoureux dans sa réaction chimique au contact de la peau de l’autre, devient un objet sensible, il prend de la vitesse et s’élance avant de retomber. La chute est nécessaire et la correspondance amoureuse n’est le plus souvent qu’un jeu de miroirs aux reflets narcissiques, misérables et tranchants. Un temps déjà vécu et forcément perdu. Dis-moi combien tu m’aimes, à quel point je suis belle et comme je t’appartiens. Car s’il suffisait de simplement le dire, de le murmurer à l’oreille de l’autre, de vivre l’instant, de l’accueillir entièrement pour mieux le laisser partir. Non, il faut aussi l’écrire, le graver en quelque sorte, afin que l’autre le lise, le relise, s’y roule et s’y enivre. Pourtant si je m’écoutais, j’entendrais plutôt combien je manque à ma vérité, à quel point je me soustrais à la sincérité, à l’innocence, à la simplicité. Je veux juste rejoindre l’espace à la fois libre et clos, ouvert et intime, lumineux et nocturne de la poésie, celui qui échappe à la langue. Me glisser dans cet interstice, enfiler une robe rouge et sentir ma langue s’enrouler à la tienne, ma bouche fondre et mes hanches laisser parler le rythme.
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Toutes ces filles qui vivent dans mon corps by Céline Renoux is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 France License.
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One Comment
Le sentiment amoureux enfin revenu.
Un ressenti que je n’imaginais ne plus jamais connaitre, s’est invité et c’est pure magie d’être ainsi transfiguré, irradié..
dans cet état, et dans ces conditions tes mots, je les reçois pleinement.