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Category Archives: Toutes ces filles qui vivent dans mon corps

litterature et poésie

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Peut-être le mouvement désordonné des jambes. Autour des reins te cambre, essaie d’amplifier les angles mais tu sens bien que quelque chose se perd, se dérègle. Tes cheveux retombent en pluie sur ses épaules, tu aimerais rester là, à respirer son odeur, mélange de craie, de sécrétions poivrées comme des fougères humides. Tu aimerais vraiment rester là. Pour ancrer, arrimer quelque part, ici plutôt qu’ailleurs, ce qui s’échappe imperceptiblement mais un peu plus chaque jour. La pesanteur, le poids des choses sur toi et en toi. Pourtant l’ovale de ton sein droit dans sa main gauche te paraît lourd, tout comme le reste du corps, n’oublie pas que tu as cessé de fumer. Tu manquais d’oxygène, ne supportais plus cette odeur de tabac froid et puis ce flou, cette poussière de cendres grises et morbides qui asphyxiait ta peau. Il disait tu verras, tu retrouveras des sensations qui elles-mêmes vont se décupler mais tu ne remarques rien de particulier, si ce n’est que depuis quelques jours, dehors, dans la rue, tu sembles flotter, à peine effleurer la surface du sol. L’impression est curieuse, il y a là quelque chose d’agréable, d’euphorisant par brèves bouffées, mais de vertigineux aussi, à la limite de l’angoisse. Un appel d’air qui se tient juste au bord du gouffre. Besoin de temps pour t’ajuster sans doute, retrouver le sens de la marche et du rythme. Tu trouves que les hommes te regardent moins, en fait les hommes, les femmes, les enfants, même le chat se désintéresse. Tu imagines que tu disparais progressivement, que bientôt on ne te verra pratiquement plus, qu’il y a une perte de contact. Bien sûr c’est une image mais elle te saisit violemment à la gorge, te coupe un moment le souffle. Te vient l’envie de faire de grands signes, d’agiter les mains pour voir si tu peux revenir dans la scène comme ça, d’un claquement de doigts. Puis aussitôt tu prends conscience que c’est toi qui a abandonné la première, toi qui a laissé tomber et traversé la vie sans réellement y prendre part. On te parle, on te touche mais ça glisse et tu décroches vite. Les émotions sont tièdes, le coeur bat de manière trop régulière, tu donnes plus ou moins le change mais refuses de participer à ce qui pour toi, de manière invisible mais globalement efficace, se noie. Tes proches l’ont-ils seulement remarqué, tu ne penses pas, d’ailleurs ça n’a pas vraiment d’importance. Combien de temps pourras-tu tenir et résister ainsi. Combien de temps disposes-tu encore avant d’allumer des feux là où la nuit ne cesse de grignoter le jour, avant d’opposer le désir, le vivant à cette colère qui enfle et brûle. Soudain ta langue me désarme et nos bouches s’abreuvent du sel de mes larmes.

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http://lafilledesastres.bandcamp.com/album/toutes-ces-filles-qui-vivent-dans-mon-corps
https://www.facebook.com/events/179911042168501/

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Regarde la neige d’avril tomber, dégringoler,
les fines particules blanches
virevolter un moment,
avant de se crasher
en pluie sur le bitume.
Des plombes déjà que l’enchantement n’opère plus,
que le ciel tire la gueule.
Que tu guettes la moindre lueur, le moindre signe.
Ourlet de givre au bord des cils,
la paupière se fait lourde et le corps somnolent.
Te souviens à peine du chant qui,
au matin contre lui,
gonflait dans ta poitrine.
Même l’oiseau de cinq heures,
le merle moqueur, l’éclaireur,
celui qui éperdument,
siffle sous ton balcon,
se tait, refroidi lui aussi.
Ta peau de liqueur et d’ambre,
déliquescente se cambre
dans les creux, les angles
sous les doigts
se balade et jongle,
une nuée d’oiseaux migrateurs

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Elle pensait l’amour sans plus savoir le vivre.
Dans sa chair à peine le poids d’un corps et l’incapacité de s’en servir.
Le regardait de loin s’éteindre encore, pâlir et se dissoudre dans l’atmosphère.
Une suite logique presque mécanique, un grain de sable.
Touché du doigt nos solitudes.
Le mot déjà, usé jusqu’à la corde, à moins que ce ne soit toi.
Rien de sacré, pas de blasphème ni de regrets.
Simplement refuser d’en voir plus.
Prendre la mesure, constater que la météorite s’éloigne, pas plus grosse désormais qu’une tête d’épingle.
Des fuites, des abandons, la peau déroulée jusqu’à l’os.
Observer ton visage qui se tord comme si ma bouche en voulait encore.

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L’avantage du silence de la chute lorsque la ville devenue blanche, recouvre le réel, se parcourt comme une fiction dont les seuls repères semblent les traces encore fraîches et pourtant anciennes, peuplées de fantômes convoqués.
Les yeux se baladent un peu flous parmi les lieux familiers, ensevelis, juste endormis.
Le froid, trop vif, les aura figé sans leur laisser le temps de fondre.
Cherche machinalement la chaleur de ta main au fond de ses poches avant de refermer les poings.
Ironie de la mémoire glissante et sélective, anachronisme récurrent, le corps lui, inlassablement se souvient, ne laisse rien au hasard.
Curieux comme ça brûle ensuite, songe-t-elle en laissant retomber la neige.


Se découvre ce matin quelques affinités avec la tasse ancienne contenant son café fumant.
Tant de fois ébréchée, rafistolée à la va vite et sans réelle précaution.
Délavée, parcourue de fissures légères qui tracent des lignes nouvelles, ouvrent la perspective, s’échappent de la trame d’origine puis finissent par prendre le large.
Précieuse à force d’avoir bu la tasse, essaie de retenir le mince filet liquide qui menace, encore et longtemps après, de s’écouler des yeux.
Te prie d’en user avec délicatesse tout en privilégiant la forme accidentelle.

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Le songe te jette du lit beaucoup trop tôt, bien avant que l’aube éclabousse le ciel.
Continue de briller longuement à l’intérieur de toi comme un rayon crépusculaire.
Traverse la ville sombre mais déjà frémissante et toujours parcourue de scintillements électriques.
Gardé le rêve en tête jusqu’à ce que le jour se lève entièrement, le disperse.
S’engouffre dans le métro où coincée dans le tunnel cylindrique et l’enchevêtrement des corps serrés les uns contre les autres, ne peux faire autrement que de partager par brèves bouffées leur intimité.
Respire les odeurs, les parfums, les souffles mêlés, croise quelques regards délavés, d’autres plus éclairés, avant de s’isoler quelque-part en elle-même et glisser de nouveau, les yeux mi-clos.
L’impression de se dissoudre dans la masse.
En bout de course, rassasiée de névroses ordinaires, s’extirpe résolument, reprend corps, identité, avant de sauter, d’une rive à l’autre.

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A scruté la lune absurde, pleine à craquer, s’est souvenu des nuits brunes et longues à s’éteindre, du dernier souffle avant l’avalanche, muette et nue contre le colosse.
Soudain la lumière a changé, la chaleur évaporée de nos veines, l’épuisement à se rejoindre.
Ta barbe n’a pas seulement lacéré mes cuisses avant que les mains ne lâchent prise.
Depuis plus rien ne mord, plus rien ne dévore.
A quoi bon pour changer d’air, battre les cartes et succomber, aux punks, aux gangsters, à tous ceux qui sont déjà morts, puisque sans bruit, résolument, l’horizon a cédé sous les pas.
Le poids familier de l’absence a remplacé le poids léger de ton corps sur le mien, plus mince encore.
Me reste l’écho de ton rire, caché dans le velours hirsute de la barbe, celui qui d’un seul souffle, réchauffait chaque parcelle jusqu’aux plus froides extrémités.
Le jeter contre un arbre pour l’abattre et ne plus rien entendre.

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Ne cesse de buter, de s’y casser les dents, peine à entrouvrir la mâchoire mais tente avec la langue aveuglément d’apprivoiser la matière, les yeux finiront bien par voir plus loin qu’un éboulis de pierres. Il y a le ciel profond, silencieux, immobile, chargé de masses sombres, qui m’absorbe, te recouvre presque entièrement. Rien ne bouge, pas un souffle. Une chose sans axe, sans point fixe, une matière usée qui pourtant ne se déchire pas et moi qui suis si loin encore de ce que je crois avoir perdu. Dans une forme d’écriture comme de vie clandestine, chaque phrase, chaque silence, ne s’inscriront jamais autrement qu’en filigrane pour qu’ils agissent en toi comme un révélateur. La nuit toujours filtrera le jour jusqu’à ce qu’ils se rejoignent. Parce-que finalement ce qu’elle sait faire de mieux c’est partir alors les mots n’ont eu de cesse d’exprimer ça, de s’y heurter chaque fois, sans volonté de fuir ou de laisser derrière quelque chose ou quelqu’un, juste le besoin momentané de retranchement hors du monde. Buter sur l’impossibilité, le chaos provisoire, y revenir obstinément, humblement, violemment, chuter encore. Et si l’obstacle n’est pas négociable, la capacité de résistance c’est aussi pouvoir offrir une forme de passivité. Laisser ce qui vient se répandre à l’intérieur, s’infiltrer dans le corps comme de la vapeur d’eau. Envisager que les peaux mortes se décolleront d’elles-mêmes et laisseront place à d’autres le moment venu, même si à la longue il y a ces empreintes, ces bleus décolorés qui semblent inconsolables. Se dire que ces déchirures-là, effilochées, irrégulières, persistantes, sont précieuses, ont un sens, saignent simplement de temps à autre pour te rendre encore un peu plus vivante. Ne pas chercher à colmater, laisser couler, attendre que ça passe et que désir revienne sans vouloir disparaître puisque ça reste incroyablement douloureux. Alors quelquefois c’est en creux que je me retrouve, lorsque rien ne m’anime en particulier et sans rien pourtant qui ressemble à l’ennui. Simplement la sensation de me fondre dans l’espace, la matière collective, qu’un excédent se vide. Le principe d’identité m’échappe, glisse, se dissout. Subsiste un état de présence au monde dans l’absence de soi, dénué de désirs, de révoltes, de tourments. Dans ces sortes de moments plats, au travers de leur formes blanches, placides et incertaines, quelque chose d’autre, lentement, maladroitement, se met en mouvement. Où seuls l’absurde et le minuscule, leurs principes de répétitions, parviennent à se frayer chemin, à provoquer relief jusqu’à l’amorce d’un rire, sauvage, incongru et sonore comme un début d’ivresse. Qu’avons-nous à dire de plus, qu’avons-nous à dire qui n’a pas été dit. Nous naissons avec ça, le manque originel, le retour à la nuit immanquablement. L’incomplétude absolue et suspendus à nos oxymores, nous bercent les vents contraires. Nous ne pouvons qu’écrire pour essayer de réinventer et construire sur un édifice à jamais bancal. Sur les murs de nos larmes, nos fissures se lézardent puis éclosent. Les encens, les parfums, une terre mouillée, rouge et chaude dans laquelle s’envelopper.