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La fin du monde a déjà eu lieu alors tes prédictions apocalyptiques à la con, ça ne risque pas de me faire peur.Il ne s’agit pas simplement d’une rupture, d’un bouleversement, d’une perte de repères.Non rien d’un truc déchirant qui transperce, puis s’essouffle à la longue et toi lentement tu cicatrises, autour le monde reprend forme et tout ou presque redevient vivable.Il ne s’agit pas d’un avant ou d’un après, mais d’un temps horizontal, presque létal, sans tension ni risque de chute.Il ne s’agit pas d’une terre qui a tremblé trop fort, dont les murs se sont fissurés avant de tomber mais d’un continent immense et pourtant totalement englouti.Il s’agit d’un monde perdu, disparu, d’une civilisation dont les feux se sont éteints d’un seul souffle, dont j’ai oublié la langue et ses idiomatiques.Il s’agit de quelque chose qu’on ne rejoindra plus.Il nous faudrait des siècles pour émerger, reconstruire, ressembler au réel, et si le temps me manque, l’idée me déplaît.Depuis je me tais, j’ai perdu ce langage, son sens, sa signification, sa materialité physique comme sa dimension mystique.On l’a trop effeuillé, décliné, retourné dans tous les sens, toi et moi.Peut-être que ça n’existe pas, peut-être qu’on se raconte tous des histoires aveuglément sinon ça n’est pas supportable.Tous ces êtres débordants de sentiments qui tentent de se rejoindre puis immanquablement se dégonflent, s’éloignent et redeviennent poussière.Peut-être que j’aimerais bien au fond retrouver la saveur et mordre à même la chair, peut-être que je m’y refuse, que j’irais trop loin cette fois, qu’on ne pourrait plus m’arrêter.En fait je n’en sais rien puisque rien ne vient, alors tu vois je m’en fiche, je m’en contrefous même, la douleur et moi on se connait maintenant, on s’est apprivoisé, du coup on s’ignore, on se tient à distance sans se perdre de vue.Quelquefois je fais semblant, je mime, le plaisir c’est encore assez facile et le goût du jeu d’enfant subsiste.Pas trop longtemps sinon ça ne tient pas, la mise en scène est minimaliste, le décor fantômatique et comme je ne connais pas mon texte, je m’emmerde très vite et quitte lâchement les lieux.Je ne peux que tourner autour des mots, ceux qui parlent de ça, vides, flétris, désincarnés, ils ne pèsent rien, ne valent pas mieux.Je ne peux pas les nommer et pour ne pas qu’ils m’encombrent, je les recueille dans une grande enveloppe marron, sans charme.Après la déflagration j’ai cherché à leur faire la peau, m’y suis cassé les dents, ne sais comment ni par quel bout m’y prendre, d’un coup sec, d’un coup violent, ce serait plus humain.Je ne me noie pas même si tout est devenu flou, je me souviens mais ne fixe rien, je m’arrange avec ça, les choses me filent entre les doigts, se perdent dans le silence parce-que je ne veux plus rien saisir.


L’histoire ressemble désormais à la chambre, sur les murs recouverts de blanc, la peinture s’écaille par endroits, laissant apparaître les couleurs anciennes.Vives à l’origine, elle se délavent, se dissolvent, deviennent douces sous les doigts.Les couches superposées, imprégnées d’eau et de sel, semblant se dévorer, découvrent traces et biffures.A travers elles, le temps s’écoule, traverse, tamise, formant matière soluble.Certains morceaux se décollent, d’autres s’arrachent, mettant à nu les cicatrices et formant tatouages de peaux mortes.Rien qui ne se détache vraiment.Les trames du papier-peint autrefois tissées serrées, s’écartent, ouvrent des espaces où poser la respiration.Leurs impressions en demi-teintes dessinent des fleuves imaginaires, invitent à voyager encore.Le vent a soufflé pourtant la flamme résiste.Suivi le contour bleuté des veines, ses alluvions délicats, s’y perdre un moment puis m’endormir au creux de tes poignets Le noir peine à s’effacer sous les ongles mais le rouge incendiaire a cessé de brûler sur le ciel de Londres et les paysages en ruines au large de Naples ont noyé leur carmin dans le fado mélancolique de Lisbonne.


Le manque est un pays habité, presque un joyeux bordel, si seulement tu étais là pour voir ça.Il y a du bleu, de l’orage, parfois ça vire au gris, juste un trait d’anthracite, la lumière reste belle.Souvent il pleut mais tu aimerais je crois, elle est fine, douce et chaude comme la mousson, une pluie de fin d’été qui s’étire en longueur, rafraîchit simplement la terre lorsqu’elle craque sous les pas.Où la musique persiste à se jouer chancelante, s’infiltre, transperce la trame légère du corps, s’agite et gonfle la poitrine, creuse chaque jour un peu plus à l’intérieur du ventre.Un vieux trente-trois tours dont le sillon usé, la mélodie désaccordée, te fait encore danser, s’entête à ressurgir et ne te lâche jamais vraiment.Une trace, biffure anachronique et récurrente, qui se décolle un peu au bord et s’effiloche lentement comme le papier ancien, trop fin, sur les murs de la chambre.Et moi quand c’est comme ça sans toi, je suis un peu perdue et parle aux inconnus.Il m’arrive même de leur rouler des pelles, pas si souvent, la cadence n’est pas très régulière mais je garde le ryhtme et puis le vent me pousse alors j’essaie.J’y crois juste le temps d’entrouvrir vaguement les lèvres, de fermer les paupières mais seulement jusqu’à sept et je rouvre les yeux.Ici personne pour abandonner ce qui se brise ou semble foutre le camp puisque je garde tout mais sans rien rassembler.C’est un vaste pays aux contours mal définis, un peu en ruines forcément, une terre accidentée où fréquemment je tombe, m’écorche les genoux comme une gamine instable qui cherche à se tirer quand les choses tournent mal.Pourtant chaque jour il y pousse quelque chose, j’ai fait sauter les mines, effacé les empreintes mais sous la peau me reste des éclats.Le manque est un pays étrangement libre qui néglige les frontières, n’oppose plus résistance, se balance des distances, me parle en plusieurs langues.Un espace interlope où personne ne rejoint jamais vraiment personne.On pourra dire que j’aurais tout essayé, varié les postures, brouillé les pistes, franchi quelques étapes, d’ailleurs je continue.Si tu savais combien de fois j’ai dansé sur ta tombe puisque ça n’en finit pas de vivre et de mourir dans ce qui ressemble presque à un joyeux bordel.Si seulement tu étais là pour voir ça, tu danserais avec moi.Comme quoi tu vois, il suffit d’une absence, d’un espace entre deux corps, pour planter un décor, trouver un endroit où vivre, même sans toi.

Reprise du texte publié sur le blog de Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/ pour les vases communicants de juin.

Ma tête est une souche, mon corps une odeur vague, je brûle de parler debout, d’une voix haute et claire, d’une seule voix en fait.Avant je leur ai donné carte blanche, pour autant je ne suis pas ventriloque, j’atteins à présent les limites d’une cohabitation surpeuplée, te refile l’eau du bain et les sirènes aussi.Leur chant résonne un moment puis gargouille, se noie à présent dans les tuyaux de canalisation.Alors pour que les choses redeviennent claires, que les douleurs trop vives s’estompent, j’en appelle au concret, à l’ordre, à la raison, te renvoie à cette misérable trinité, à sa fucking banalité. Tu apprendras les mots tempérés comme la gestuelle réservée du commun des mortels, ne te baladeras plus toute nue le coeur par dessus-tête, parce-que tu vois il n’existe pas de passe-droit, pas de bakchich pour un exit.Les gens vivent, enfin c’est plus ou moins bien imité, à chacun sa technique, camouflage, combat, survie, j’ai pas le kit.Parfois il s’éternisent, heureusement un beau jour ils meurent, leurs amours aussi mais pas en simultané, jamais, je sais c’est mal fait.Donc toi aveuglément tu chercheras les surfaces tangibles, ce qui se touche avec les doigts, ne se dérobe sous les pas.Je vais lâcher ta main, ne m’enfoncerai pas plus loin avec toi, ne te regarderai plus tomber ni surtout te jeter dans la gueule du loup.Animal mort sort de ce corps, la cage est restée ouverte.Parce-que tu es pire qu’une fumerie d’opium à toi toute seule, j’ai adoré mais je n’y parviens plus, marre de ton chaos perpétuel, envie de te tordre le cou et qu’est-ce qui me retient après tout mon amour.Tes yeux longtemps se sont fixés sur moi.Le soleil comme l’azur sont à double tranchants, te donnent des idées noires, t’éclaboussent de mélancolie.Ta vie est un dragon qui souffle sur ma tête, brûle tout sur son passage alors je cherche terre au milieu des décombres, me rattrape à ses bords.Ici mais seule sans toi pas le choix, si je veux rester avec les autres, ceux qui filent droit, ne sont pas encore trop brisés par le monde civilisé.M’étendre juste un instant sur le bord de la route, tenter de reprendre le train, retrouver le moment précis où j’ai sauté sans rien préméditer, sans même savoir marcher, c’est si loin.Les autres n’y ont vu que du feu et ce n’est pas moi qui te tendrai un jour la mèche.Je veux ravaler mes sanglots, garder les yeux secs, les ouvrir sur le monde et regarder tourner les images du kaleïdoscope sans vertige, sans me perdre en fragments, sans voler en éclats.Cracher ce goût de gerbe qui remonte d’on ne sait où pour venir s’échouer si souvent sur tes lèvres.Je veux des fraises sauvages, un regard d’enfant sage, une barbe à papa, des choses qui ne s’en vont pas.Je veux m’endormir avec eux, contre lui, pour cent ans et d’un sommeil de plomb, revenir aux temps d’avant, à l’innocence, au premier flash.Just one shot my love, quitter la démesure comme le noir de la chambre.Ils m’ont badigeonné le pouce d’un truc jaune dégueulasse et c’était pas du jeu mais qu’importe l’empreinte a dessiné la bouche.Pour me déchirer un peu plus, te trouver des excuses, tu diras que la réalité a perdu son sens, nous dépasse à s’en rendre malade, que les choses ont explosé depuis longtemps, sont peut-être même déjà mortes ou décomposées, comme la mémoire collective usée de trop de larmes ne tient plus qu’à un fil.On n’en voit plus la trame, devenue trop mince, elle ne filtre plus rien.Bref que cette sorte de folie en dedans déployée t’a sans doute jusqu’ici dissociée mais aussi protégée et maintenue en vie ou juste à la lisière. Je ne pourrai pas dire non, te répondrai que je suis simplement épuisée par toutes ces choses colorées qui explosent, se déchaînent puis roulent comme des billes enflammées devant mes yeux avant de sombrer dans la jungle phosphorescente plus bas sous les paupières.Fatiguée de ton coeur bandé comme un arc et toujours si près de se rompre, de ton ivresse en bandoulière comme la respiration artificielle, saccadée, pleine de secousses foireuses, ça brûle et ça cogne le long de mes tempes, pas loin d’y poser deux doigts et bang.Bancale et boiteuse je m’efforce de quitter les lieux.A cloche-pied tu dessines une marelle puis t’élances, sautes par-dessus mon ciel mais c’est lui l’incendiaire au regard trop sombre qui te baise, y jette ses derniers feux.

© Eddie Andras de Marcy


Il y a quelques semaines Nolwenn Euzen m’a proposé cet échange de juin dans le cadre des vases communicants, cela m’a fait plaisir, de la lire comme de la rencontrer, en la voyant j’ai pensé à un elfe, un elfe léger dont la fraîcheur et la simplicité apparentes contiennent aussi des vagues impétueuses, des choses singulières, agitées, organiques, une langue précise et fine, quelque chose de fragile et risqué à la fois.Et puis par chance Nolwenn a suggéré un fil conducteur, un support, un de mes albums photos virtuel, du noir et blanc, des portraits d’hommes uniquement, des hommes que je ne connais pas, des hommes qui vacillent et tombent quelquefois.Cet album s’intiule « I demand reality, I’m going mad », j’en ai gardé le titre, je suis partie de là, vous trouverez son très beau texte ici, il m’a touché.Et le mien sur son blog http://nolwenn.euzen.over-blog.com/

La peau est longue à moins que tu l’épelles longtemps

On ne sait pas qui envoie quoi, celui qui tient le plus longtemps. Est-ce que les mots sont tombés. Est-ce que l’oeil peut rester à ne pas dire, frôler, à faire le tour. Je campe un lieu où sentir. Je dis: Ta langue !, le sexe en retard.

A combien, et c’est d’abord les yeux, dis-je de venir. Ils ne savent pas où prendre, où s’accrocher, s’attarder. Ils resteraient longtemps, ce ne serait plus toi. Ni moi. Une fréquence où nous nous demandons, nous appelons. Nous descendrons, nous toucherons où nous baignons, sans bord. Sans se connaître autrement que de notre descente dans le fait d’être là.

Il a la fréquence où tu l’as demandé, tu prends la sienne. Ils ne savent pas se prendre d’où ils s’appellent. Chutent. Rapent. La peau est longue à moins que tu l’épelles langue molle, sans effort. La ville est haute, ses façades mortes. Un lien te couve, c’est la langue au genou, sa détente à l’oreille, le doigt sur la ville. Sa plainte dans l’oeil, le pied dans la tête. Tu peux rester, passer, partir, laisser claquer. Epouser le repos.

Il faudrait arracher ce qui se passe, te le flanquer sur la peau. Tu sauras que la voix baisse, que les larmes poussent au bord. Tu auras honte d’avoir parlé si haut, le murmure douloureux. Tu ne sais pas comment souffrir, ni où loger ta peine. Il faut beaucoup de pièces, de serrures, de plans que tu basculent. Que tu t’écoutes de la tête au pied main dans la main pour te toucher du doigt. Dire merde autant de fois que ton coeur dira oui. Tu ne sais pas chuter sans être sûre de te relever ailleurs.

L’oeil recule. Le moindre passager s’y découpe en plans successifs. La nuit revient, tes désirs plus complexes. Il faudrait au moins ta colère, du jeu dans les plans, des mots qui se plantent. Incorrects à force de savoir. Une vie moins exacte, sans la peur. Les risques prennent de la douceur. On les entend tomber sans crainte. Ils ouvrent, nous rassurent.

Il suffit que le mot vienne facilement, qu’on comprenne sans effort, s’en étonne sans rien dire. Qu’il m’accompagne en creux, qu’il te ressemble où je te trouve, qu’il tombe, casse, puis suture à nouveau, raccorde, reprenne. Tu parles du mot mais tu avales la boîte à clous. Tu n’as pas appris à sentir d’où tu viens.

Tu cognes plus fort que ta voix contrôlée, – et comme c’est difficile ce qu’on apprend pas de nous. Nos réalités inciviles. Nos murs de protection dressés. Des peurs qui ne sont pas les nôtres. Est-ce que le bruit t’appartient, ce silence et la vie qui s’écarte. Les marteaux sont tombés. Le corps aux trousses.

Si l’histoire se raconte, tu sèmes un peu d’absurde, beaucoup d’idiotie et d’humour. Quelque chose de curieux, un étonnement. Le réel sans plus de gravité qu’une promenade. Tu imagines cette histoire, sa brise. Tu la laisses pénétrer, s’implanter, donner ses clins d’oeil.

Texte rédigé par Nolwenn Euzen

http://rendezvousdesvases.blogspot.fr/2012/05/liste-juin-2012.html


Ici les yeux deviennent asphalte à force de mordre la poussière, se relever, se relever encore, sans arrêt, sans écho, marre des écorchures, des échardes dans la peau, du sang sur les genoux.Etire le corps, allonge la foulée, tente d’épuiser méthodiquement la mélancolie jusqu’à en perdre la trace comme l’origine, qu’elle se réduise en une sorte de point de côté certes persistant mais léger.
Travaux de couture mais sans aiguilles, bien trop risqué puisque le sang circule mal, que le froid engourdit les doigts.Se trouve une fois de plus à court d’arguments pour raccomoder sans cesse, relier les morceaux épars comme ce qui part en lambeaux.
Se résoudre à tailler dans la matière, ce qu’il en reste, mettre la peau à vif, faire claquer l’elasticité des tissus pour en découdre violemment, d’un coup sec avec ce qui ne tient plus qu’à un fil.Jeu de massacre sur patchwork.Ne cesse de buter sur les cadavres pas si exquis qui jonchent partout le sol et grimpent le long des murs, fissurent.Découper le lien, dégommer la liaison, s’en tenir là, le doigt en mode majeur, dressé bien net à la verticale.Faire sens immédiatement histoire d’éviter les malentendus comme la sensation récurrente d’enfanter toutes sortes de freaks en excroissances douteuses qui très vite se collent à la peau voire même sous le derme pour les plus vicieuses.
Les supplier de vivre leur vie mais sans toi.
Au charme de la démence promettre de goûter juste le grain de folie ou bien se clouera le bec comme la bouche cousue.Ecrire n’adoucit rien, te heurte même davantage.Pour atténuer essaies tant bien que mal de déjouer le truc, te démultiplies, cherches distance pour ne pas tomber.Se paume forcément.
Cesser de se perdre à n’en plus finir dans des amours comme on part au combat.
Comment veux-tu avec tout ça, entendre quelque chose, être ici et maintenant, simplement en soi et avec l’autre, simplement.
Ecrire dans un espace nu particulièrement résistant, entrouvrir, faire brèche, tracer chemin en estafilades à travers le dédale.Déambuler parmi toutes ces pièces qui en contiennent d’autres et souvent se refusent, les fouler du pied comme ça négligemment l’air de rien, avant de viser, au centre.Y a un gnome, un goal pardon, contourner l’obstacle ou lui foncer dedans, faire masse, se prendre un carton jaune mais griller le rouge.
Parce-que la vie, ce qui s’y passe, c’est à n’y rien comprendre tu ne crois pas ?
Faudrait juste éviter de se répandre en fuites perpétuelles.
Faudrait juste arrêter de vendre la mèche avant d’avoir trouvé.
Alors tu butes, trébuches et manques ta cible, trop conne, mais arqueboutée, archibutée surtout, recommences.Forces le passage, enfonces la tête, finis tant bien que mal par t’engouffrer.Te planques dans l’un des orifices.C’est long, c’est étroit.
A bien envie d’entrouvrir l’oeil, de bouger son petit doigt, voire même de relever la tête genre esquissons un signe de vie avant que tout cela ne disparaisse en fumée, en parallèle persiste à se demander pourquoi et à quoi bon moribond, puisque c’est con comme la lune, jouer à faire semblant d’être morte, fonctionne à tous les coups.
N’est pas stratège qui veut.
Et c’est là qu’en principe ça vole en éclats, déflagration de mots en désordre comme s’il en pleuvait, aime assez comme ça retombe en longs mouvements décomposés, désordonnés.De l’air, de l’électricité dans l’air, ça grise et tu te laisses prendre violemment comme une fille facile, humide, rectification libre.
S’abandonnent les mains, les résistances, se déplient phalanges une à une jusqu’à laisser glisser, filer, dégringoler, ne rien vouloir saisir c’est peut-être aussi pouvoir recueillir toutes ces choses infimes, dérisoires, mises à l’écart, celles dont personne ne veut mais qui imperceptiblement te touchent jusqu’à envahir l’espace de fines particules sensibles, fragiles et délicatement colorées.
Cette nuit j’ai rêvé la pièce blanche, vaste et nue dont je connaissais l’existence mais fini par oublier, tellement encombrée, surjouée, qu’elle en avait perdu sa forme, sa matérialité, me semblait devenue impossible d’accès.Je ne cherchais plus, j’avais presque renoncé, sous mes paupières closes s’est ouverte d’elle-même de manière souterraine.
Ouvrir quelque chose, quelque chose de neuf et qui pourtant existait.
Envie de se défaire de la tentation presque inévitable d’une mise en scène de l’intime, se foutre également des faux problèmes d’identité soi-disant multiples, simples prétextes à distorsion pour immanquablement se dérober, genre je m’emmêle et me perds de vue chaque fois que je parviens à toucher vraiment quelque chose.
S’en tenir à l’extime de manière crue voire sèche devrait largement suffire, lecture à plat déroulée sans effets, rien à voir avec le renoncement et l’ennui, peut-être bien le contraire, comme si l’exercice consistait finalement à n’attendre qu’une forme d’éblouissement mais d’une luminosité suffisamment forte, puissante, étanche, pour effacer l’artificiel sans aveugler.Effacer ce qui ne fait plus sens, toutes ces choses déjà mortes, en décomposition, qui néanmoins s’accrochent et persistent à survivre jusqu’à l’étouffement.
Révéler ce qui de l’enfance, de l’origine, même si aujourd’hui totalement modifié, est encore simplement vivant, possible.


Il y a eu ce moment précis ou elle a crié, je m’en souviens parce-que je l’observais à la dérobée depuis un moment déjà à cette terrasse de café.J’étais sans doute la seule, personne ne semblait prêter attention à elle ou plutôt prenait grand soin de l’éviter.Il y avait sur le sol comme une ligne de démarcation imperceptible, mais tenace et infranchissable, il y avait elle et il y avait le monde.Les lignes étaient tracées pour ne plus se rejoindre, alors elle était là mais de l’autre côté, à l’extérieur, hors cadre, comme assignée à résidence.Elle en a eu assez, elle a crié, leur a demandé d’arrêter ça, cette forme d’indifférence violente qui finissait par la rendre invisible à ses propres yeux, cette chose qui la rendait encore plus honteuse d’elle-même, être là, sur le trottoir, sans espace et sans voix, se sentir comme une boule de merde qu’on écrase à force de silence.Elle a crié mais personne n’entendait parce-que personne ne voulait entendre ou ne parvenait plus à entendre.Elle a crié pour que résonne le son de sa voix encore une fois.Elle a crié pour matérialiser sa propre existence ou accrocher juste un regard. Elle a crié pour que quelque chose se fixe, pour essayer de vivre encore un peu avec les autres, pour ne pas être recouverte et ensevelie par son propre souffle sans retour ni écho.Elle a crié pour ne pas être engloutie, aspirée par le vide de sa non-existence.Elle a crié pour tenter de se dégager de ce brouillard opaque comme la nuit où s’effacent les couleurs, se dissolvent les parfums, se perdent les sensations, ne restent que la peur, la fatigue, l’inconfort, la faim ou bien le froid et souvent le chagrin.Elle a crié pour sentir dans son corps la chaleur et ne plus disparaître sous leurs pas mais c’était comme une chute silencieuse, un glissement progressif.Elle a crié juste une fois et puis s’est tue puisque rien n’est venu, s’est recroquevillée un peu plus dans la marge, sans espace et sans voix.Ils ont continué d’aller et de venir comme si elle n’avait jamais existé, comme si rien ne s’était passé, comme s’ils avaient peur en franchissant cette ligne de tomber à leur tour.Son cri a résonné longtemps à l’intérieur de moi mais je n’ai pas bougé, tenté de me replonger dans mon bouquin mais sans y parvenir, alors j’ai écrit ça puisque je n’ai pas bougé, même si j’ai vu et entendu, que j’ignore son nom et ne connais pas son histoire.Son histoire j’aurais voulu la connaître, cette femme qui a peut-être mon âge, j’aurais aimé lui parler et surtout l’écouter mais j’ai manqué de courage.Parce-que nous sommes peut-être tous ici comme des grains de sable mais nous avons chacun une histoire, alors la sienne j’aurais aimé l’écrire, sans vouloir m’en servir, juste pour la lui rendre.


S’est tendu des pièges, la garce, tombée dedans à pieds joints, la chute, l’inévitable résolument.Sans filets un tremplin qui débouche sur le vide, te déroule sans vertige, écarte la sensation, la perspective, te rend à la page blanche.Tombe, se relève, observe les écorchures nacrées au hasard de la peau.En vain cherche le lien entre chacune, n’y trouve qu’un éboulis de pierres recouvertes de mousse, pas si douce.Aimerais bien s’en tenir là, rien de plus, ou plutôt moins.Tenter comme une phase d’auto-observation, un repli basé sur le strict minimum relationnel, parer au nécessaire, faire abstraction du reste.Recentre, cherche posture, dans l’entre-deux trouve branche, moitié debout moitié couchée s’accroche.Nonobstant la sensation instable voire pénible d’équilibre précaire, s’y trouve presque mieux.Du coup n’ose plus vraiment bouger, essaie juste de ne rien aggraver.Le 31 a coloré de rouge ses ongles courts, ce qui n’est pas habituel, et c’était comme une peinture de guerre, un incendie.Tu aurais du faire gaffe, penser à ça aussi, no memories, en post-it sur ton front l’oubli.Pas dormi dans la transition mais bon tu sais pourquoi.Le 1er, classique, a rompu t’a quitté, mais mal forcément puisque c’est bête à pleurer comme tes putains d’oeufs à la coq, prétexte.Trop ou pas assez cuits ne sais plus, mais pour moi c’était trop, briser coquille laisser en miettes, scrambled eggs.le 2 a justement laissé rouler quelques larmes, pas si profondes, fatiguée, exhausted, no more.Puis à force des vraies, comme une enfant perdue s’enfonce de son plein gré, dans la rue, le bus, le métro, la vie, toutes ces lignes.Ne veux ni les suivre ni les fuir.Dérive un peu, s’échappe, lâche prise, finit par s’en moquer, du regard, des autres.Le 3 fini les chocolats comme tout ce qui traînait de vivant alentour sans faillir ni vomir.Feins aujourd’hui d’ignorer les liens de causes à effets puisque les choses semblent s’enchaîner hors de toute logique, le seul dénominateur commun finalement c’est que tout ça ne ressemble à rien, que la tension déployée n’a ni sens ni réel impact, c’est fantasque, épuisant et désolant à la fois.Bref me retire du jeu, rien ne sert de courir si le but est obscur, se dérobe à la vue comme le sol sous nos pas.Restera donc vissée sur la ligne de départ, sans trembler, le doigt sur la gâchette, jusquà ce que mouvement réveille, dans un sens, dans un autre, dans l’attente d’un hypothétique feu vert.A ce jour aucune détonation, adrénaline année zéro, se souviens pourtant que numérologiquement parlant devais se trouver en année 1, propice.En finir avec les vieilles nostalgies qui lestent et plombent même sans couler, déterrer cette fucking mélancolie coincée dessous, sans trop savoir si l’idée est de couper ou de chercher racine.Décidément mal engagée, n’a vraisemblablement pas encore commencé l’année, repousse loin et emmerde tout système de résolutions, la vie, les gens, elle-même surtout.Ca l’arrange et suffit presque à rendre les choses vivables ou gaies si on anesthésie le trait.Néanmoins, obstinément, aveuglément, résiste.Ne désespère jamais, pas son genre, se garde une option, une ouverture, de vagues fantasmes d’aventures, mais refuse l’idée de projet, la pression associée.S’en remettre au hasard, au nouvel an chinois, au dragon, aux démons, aux merveilles, pourquoi pas, puisque la pluie efface tout comme le vent emporte et souffle.Reprendre l’entraînement, écrire, comme un sport sans combat.Se dire que la perte de sens est aussi un espace à prendre, quelque chose qui ranime, un début de flamme, même si les draps sont froissés et la lumière trop grise.

Reprise du texte publié sur le blog de Guillaume Vissac http://www.fuirestunepulsion.net/ pour les vases communicants de décembre


Se dit qu’elle a merdé avant même d’avoir commencé, que les mots de Guillaume Vissac encore une fois c’est pas n’importe quoi, en général me scotchent en uppercut and less is more.Pourtant de temps à autre sans crier gare, tu dois frôler quelque chose qui te laisse suffisamment inconsciente ou cinglée pour te porter volontaire le sourire aux lèvres et la fleur au fusil, du genre bonjour c’est moi, j’adore les opérations kamikaze et puis l’adrénaline aussi.Alors pour ne pas faillir au dérèglement qui fait loi, coller à ton désordre, tu as laissé les jours filer plus vite que toi, t’es enroulé dedans en renversant les yeux lorsqu’il t’embrassait, avec toutes ces sensations qui vous traversaient violemment dans l’instant et en accéléré puisque pour le moment tu vis ici et lui là-bas.Jusqu’à l’enchaînement soudain ces dernières heures d’une suite d’incidents en série comme d’étranges téléscopages sous forme de répétitions troublantes d’une histoire à l’autre.Sinon à part ça tu vas leur écrire quoi aux vases communicants, parce-que si tu continues à penser à lui un peu tout le temps maintenant qu’il est rentré, tu peux me dire à quoi ça rime tes intiatives ou tes élans à la con si tout ça se dégonfle comme un ballon.

Aucune intention de rester planquée ni de faire la morte, petit soldat part au combat sans jamais savoir où il va, sachant seulement qu’il va tomber.Pourtant aucun danger ne guette, juste des mots, rien de grave, de toute façon tu vois ils vivent leur propre vie même sans toi et puis le ridicule ne tue pas jusqu’à preuve du contraire.Ca te rend simplement un peu triste lorsque tu ne trouves pas l’espace ou la plage de temps nécessaire pour t’y réfugier et t’enfermer à double-tour dans ce qui paradoxalement t’apparaît comme une extension nécessaire du territoire.Tenter d’inscrire ce qui manque, ce qui ne parvient pas à se faire entendre ou à faire jour dans le réel, ce qui fait mal et sens à la fois, ce qui résiste aussi.Puisqu’en définitive c’est ce qui se joue ici pour toi, essayer de dire ce qui se dérobe depuis l’enfance, ce qui est là mais en creux, en exil et en rupture, le côté junkie addict sans substance de cette histoire presque blanche à force de consolation impossible à étancher.Alors laisse couler ce que tu ne peux combler pour t’en détourner ensuite, pour oublier ce que tu connais et tracer ailleurs ou simplement continuer.Parce-qu’écrire pour se souvenir ou pour oublier c’est la même tentative de laisser simplement derrière pour s’ouvrir à la transparence.

La plupart du temps tu te demandes ce que tu fous là lorsque tu te retrouves parmi ces gens qui écrivent vraiment ou tout au moins qui vont au bout du truc et trouvent le souffle, alors que toi tu éprouves toujours quelques difficultés à respirer et pas seulement parce-que tu fumes trop, mais aussi à distinguer ta voix parmi les autres, enchevêtrée dans la cacophonie ambiante.Ce qui fait cohérence aujourd’hui, c’est ce chantier qui a débuté ce matin dans la rue, les hommes sous casque creusent le bitume et c’est l’asphalte, novembre à n’en plus finir, les trottoirs gris et humides encore plus que le bruit, qui te sort par les yeux.Quoi qu’il en soit leurs engins te vrillent les tympans, alors s’isoler côté cour dans la chambre, laisser les enfants déambuler sans toi, s’affaler sur ce grand lit qui dévore presque toute la surface de la pièce et avancer comme sur un fil, juste en roue libre.Tu ne sais pas comment prendre le truc, tu ne sais pas l’apprivoiser et pourtant c’est sans doute la seule chose qui te colle vraiment à la peau, qu’importe l’opacité, tu n’es pas si paumée finalement, juste un peu égarée dans ce qui ressemble ce soir au brouillard, reste plus qu’à le découper en morceaux et tout ça sans couteau.Tu peux encore faire semblant, suggérer à ton corps défendant de rester perméable, maquiller ton intérieur comme une voiture volée, il te restera toujours une arête en travers de la gorge ou un angle saillant sur lequel te cogner si tu prends la tangente.En fait dis-toi que c’est juste un os, un os coincé à l’intérieur, un truc à déterrer, alors va chercher.

Cette nuit j’ai rêvé d’un bébé prématuré, un qui venait de moi, mais rien vu rentrer, rien vu sortir.D’abord j’ai cru qu’il était mort-né vu le silence pesant qui s’est abattu sur cette salle d’hôpital lorsque j’y suis entré, me suis dit que c’était risqué, que si je le regardais je risquais de le reconnaître ou pire de me mettre à l’aimer sans en avoir le temps, d’être engloutie par cet inconnu, sorte d’alien de sexe masculin ayant trouvé momentanément résidence dans mon ventre, engendré confusément dieu sait comment ni avec qui.J’ai pensé que ça ne tiendrait pas, que les digues allaient se rompre cette fois-ci et laisser s’écouler tout ce torrent sale et dégoulinant de mélancolie, de douleur si tu veux, enfin cette chose échouée quelque part à l’interieur de toi.Les infirmières t’ont dit qu’il était beau ou un truc approchant, enfin ça devait signifier dans leur langue qu’il ne manquait rien d’absolument vital.En tout cas j’y suis allé mais j’ai pas vu les choses comme ça, une gueule de vieux, un regard qui ne te lâche pas et dont tu ne sais pas quoi faire, si ce n’est déclencher en toi l’envie furieuse de le fuir et d’oublier.Une taille d’enfant et des tuyaux un peu partout plantés dans un corps disproportionné pour alimenter ce qui ne fonctionne pas naturellement.Trou noir ensuite, me souviens juste que tu as survécu dans ton genre particulier, qu’on a vraisemblablement taillé la route ensemble, sans l’ombre de la trace d’un retard, non carrément l’inverse, un peu trop d’acuité et toujours ces yeux aiguisés qui ne laissent rien filtrer en apparence mais te donnent l’impression d’être percé à jour.Alors là maintenant je me dis que tout devrait être possible désormais puisque la nuit aussi je fabrique et j’enfante des choses, des créatures hybrides, des petits monstres à la peau dure et à l’oeil vif qui me poursuivent, me renvoient à l’intranquilllité, me laissent trace, m’encombrent, m’accompagnent mais ne m’appartiennent pas.Tu te souviens comme on s’est embrassé dans cette église en oubliant le reste et les autres avant qu’on nous demande de sortir, rien de transgressif, rien de sacré, j’avais juste envie de rire en partant et bien là c’est pareil.