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« d’or est sa peau plantée au sol » ces mots-là et tant d’autres, à la fois totalement flexibles et tendus comme un arc.J’adore la liberté comme le son de sa langue électrique et ultra moderne qui claque, bouscule et percute chaque fois.Merci infiniment Guillaume Vissac pour cet échange de décembre dans le cadre des Vases Communicants.
Vous trouverez mon texte sur son blog

– Métamorphose (très) librement inspirée d’un (certain) fait divers d’il y a quelques années.

Ils sont deux, allumettes dont les membres s’agitent, ombres au ciment piétinée par leurs pieds. Martèlent alors au sol les bulles d’air (Niké s’en mêle). Ils prennent par la gauche, par la droite, par le bas. Sur leurs talons les loups talonnent. Ils gueulent. Ils jaillissent. N’ont plus de nom à eux ni d’âge. A. d’abord, B. ensuite, frôlent en courant les tombes et leurs poumons papier halètent. Faut grouiller.

Les loups ont des papattes en cuir et des griffes sous les semelles qui adhèrent au terrain, quel qu’il soit. Hadès leur a filé gratos une haleine d’homme et pas à pas, foulée fanée après la précédente, ils se métamorphosent en ombres. L’écho des pas des bêtes impriment aux pouls des pulsations déviantes et des rythmes bashés.

Les bras les jambes des allumettes crépitent et A., et B., et leurs souffles et leurs ombres emmêlés. Ont-ils avant d’avoir lancé le sprint noué un pacte entre une gorge et une autre, pacte sanguin entre les deux poignets, ou invisible lancé par l’oeil et rattrapé par l’autre, entre les deux pupilles un câble inoxydable, ont-ils dit un pour tous, tous pourris ? Qui sait. En tous les cas ils courent, l’un et l’autre harponnés à eux-mêmes, et la pointe de leurs ombres mordue par la gueule des canins. Niké prend à son tour ses responsabilités : souffle sur les ombres pour que les ombres s’ouvrent. Et décollent les deux gamins, les allumettes, qui désertent, l’un et l’autre, ores, le cimetière.

Les loups sont tout sauf doux, les loups sont en Kevlar. Ils cherchent à l’oeil la forme en fuite de leurs deux proies. Où ça ? Hadès les hume et les recrache sur leurs talons. Niké peste, les allumettes s’enferment dans son dos et si loin de la portée de ses doigts. Les loups pilent. Leurs pattes font moudre la poussière. Ô comme résonne le si cruel silence. Hadès explique qu’il ne donne pas cher de leur peau.

Les allumettes et leurs ombres, entortillées entre elles, avancent, en plein dédale, sur la pointe de leurs pieds. Hurlent encore, hors les murs, la gueule des canidés. Leurs mots hachés par l’âme d’Hadès sont illisibles pour leurs tympans trempés dans l’air ambiant, sec et mat, qui bourdonne. Tout doux dit l’A., je te suis mais surtout ne te retourne pas, lui répond B.. Au ralenti les corps se hâtent et sur la peau, le crâne, les bras, tous les cheveux se hissent.

Niké, Hadès et les deux ombres à tête de chien patientent, de l’autre côté des parois du dédale.

Droit comme un I A. se déchaîne : ocre sa peau se tire hors de lui-même et son visage le fuit. Il frôle les conducteurs. Les squelettes, pylônes, sbires du grand H, se penchent vers lui pour le toucher. A. lâche les doigts de B. son frère mais se retourne, dit : désolé. Le pylône chope son corps par l’épine (hurlent les loups dehors) et ouvre les vannes de leurs Watts. Mais avant que le courant jaillisse, Niké souffle sur A., tous les remous s’effacent et sa peau se torsade.

Droit comme un I A. se transforme : d’or est sa peau plantée au sol. B. voit passer son frère, son ombre bis, de l’état d’homme à celui d’allumette, et d’allumette à parafoudre dans la foulée. Niké triche, les loups allongent le bec. On fait tomber la foudre, A. est immunisé. Pour assimiler B., A. de lui-même et sans l’aide de Niké, tourne sa main vers lui et lui dit attrape-moi. B. se retourne et touche le derme du parasurtenseur. Les ombres sont les mêmes. Un arc, électrique, plus que jamais le même que celui, si invisible, d’avant, ondule au gré de l’air ambiant : voilà que B., bouche bée, s’est mué éclateur à trigger. Au sol Niké efface les traces de leur passage et les loups pleurent.

Dans le local électrique qui jouxte le cimetière on s’arc-boute. Promesse tenue. Un pour tous. Au sol, tatouées, leurs ombres sont les mêmes.

Texte rédigé par Guillaume Vissac

Reprise du texte publié dans le cadre des vases communicants de novembre sur le blog de Ana Nb http://sauvageana.blogspot.com/

Dennis Oppenheim

Tu traces des cercles sur son dos et des spirales en boucle.Juste une histoire de cambrure idéale, de chute, de chair, d’humus.Quelque chose de végétal qui se déploie la nuit, vous enveloppe.Sous tes doigts s’enfoncent les arabesques, se croisent les courbes, les lignes obliques, sans pouvoir se rejoindre ou percer l’horizon.Volutes et fumée blanche se répondent puis recrachent, expulsent.Je suis le cratère, tu es volcan.Dedans doucement ça flambe, en attendant que source jaillisse et avant que lave recouvre.Je vois les ombres grandir à mesure que la lumière efface et tes mains qui s’avancent, explorent, voient plus clair à présent qu’il fait sombre.A ton cou violemment me suspends, détourne les angles, trop lisse, écorche, étrangle racine, retombe puis remonte vers la cime.Le rythme est dense, les corps trop lourds à l’abandon, bouches cherchent morsure et points de dissidence, tes dents plantées dedans.Tu ne sais pas quand ni comment ceci a commencé, tu préfères l’ignorer pour t’abreuver sans cesse, creuser encore, chercher le fond, les bords où se cogner.Jusqu’au bout la tension, la scansion, le battement qui martèle, se divise et ordonne.Colle ta respiration à la sienne, reprends souffle, aiguise, donne forme.La pulpe de ta bouche devient fruit à cueillir, les chairs s’écartent et goûtent.Il n’y a plus de mots pour dire, plus de possibilité de mesure ni espoir de visibilité désormais.Toi ici, moi là-bas, le pont pour traverser.Une simple tentative d’oubli et le désir de retourner encore, de se défaire des couches, de trouver noyau et centre sous l’écorce, la surface.Les tatouages éphémères commencent à brûler un peu la peau, sous les paupières tes yeux se retiennent de couler.Toujours le cercle, à jamais l’imparfait.Je crie, l’as-tu seulement entendu.Moi soudain je te vois.

Merci infiniment à Ana Nb pour son invitation et ce partage dans le cadre des vases communiquants de novembre.Ce texte lorsque je l’ai reçu, ce fut un peu comme une décharge qui m’a immédiatement transpercé, impressionné aussi.De A à Z, il épelle et porte la violence du monde, sa tragédie.Il la démystifie, l’affronte dans sa réalité, puis nous laisse à la fin le regard de l’enfant désemparé, perdu, tandis qu’autour semble se dissoudre dans le chaos, le chant, la lumière et la beauté du mystère.

Vous trouverez mon texte sur son blog, c’est ici http://sauvageana.blogspot.com/

Il n’y a pas de great decapitation il y a seulement le regard d’un enfant posé sur la bouche ensanglantée d’un homme- Il n’y a pas de great decapitation – Il n’y a pas de mystery – Il n’ y a pas de kill the death and the death kill you – Il y a un homme – Il y a un massacre – Il n’ y a pas d’animal mort – Il y a un dictateur – Il s’appelle M. K. –

La tête reste attachée au corps la tête ensanglantée muette prisonnière du sang du sang du corps et du sang écoulé d’autres corps de nombreux corps d’innombrables corps des corps devenus ennemis des corps aux langues différentes des corps aux pensées différentes des corps haïs des corps frères des corps aimés des corps de femmes des corps d’enfants des corps d’hommes- Il n’y a pas d’animal mort- Le sang dans les yeux le sang sur les épaules le sang sur le buste le sang sur les jambes – La tête reste attachée au corps – La tête de M. K. – Le corps porte un habit de militaire du monde un habit de maître de la guerre un habit de destructeur de vies –

Il n’ y a pas de great decapitation – Il n’y a pas de mystery – L’homme est mort par la main de l’homme – L’homme est mort par l’arme achetée par les armes vendues par une arme donnée – Il n’y a pas d’animal mort- La tête de M. K. connaît l’alphabet :

A: argent B: banque C: conseil D: dictature E: état F: folie G: guerre H: Hommes I : intelligence J : justice K: kill L: lutte M: massacre N : nord O : où P: pauvre Q: qui R: riche S: sud T: trafic U: union V: victoire W: why X: inconnu Y: yeux Z : zéro

La tête reste attachée au corps et le corps tangue de la mort infligée de toutes les morts infligées le corps s’écroule et la tête aux oreilles fermées n’entend plus les hurlements de joie de la mort donnée par le dieu des Hommes et les voix d’hommes hurlent et les armes claquent et le corps de l’homme s’écroule dans son sang et dans tout le sang écoulé et les hommes hurlent et frappent le corps du dictateur – Il n’y a pas de great decapitation – Il n’y a pas de mystery – Il n’y a pas de paroles – Il n’y a pas d’animal mort-

Il y a au bord de la bouche de l’homme l’empire du sang l’empire des silences ordonnés l’empire des cris enterrés, il y a au bord de la bouche du dictateur l’empire du pouvoir l’empire des prisons de pierre des prisons invisibles pour l’autre langue l’autre culture l’autre chant l’autre poète l’empire des prisons pour l’Autre, il y a l’empire des hurlements de la vengeance vaine. Il y a au bord de la bouche de M. K. du sang son sang d’homme.

Et autour dans les mouvements sans sens des hommes des hauts de corps des bras des mains des torses des jambes des visages d’homme, et au milieu perdu le regard baissé d’un enfant.

Texte rédigé par Ana Nb.

http://rendezvousdesvases.blogspot.com/

Reprise du texte publié dans le cadre des vases communicants d’octobre sur le blog de Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/

Tu as beau essayer de prendre ça comme un jeu, de lancer les vagues idées qui te viennent comme on lance les dés, d’un coup d’un seul en secouant très fort, ça ne donne pas grand chose, rien ne sort de tangible, pas la moindre amorce à laquelle t’accrocher.Les mots jaillissent en vrac, s’écoulent, mais toujours hors-sujet voire abandonnés par le sujet que tu ne parviens pas à retenir.Pourtant il te fait signe quelquefois, avant de disparaître emporté par la vitesse des choses, sans jamais réussir à percer, à faire sens.Mais le jeu, si s’en est un, devient rapidement addictif, les mots commencent à occuper l’espace, gagnent chaque jour un peu plus de terrain, s’infiltrent à l’intérieur.Et tu ne vas quand même pas te battre avec ça, ni chercher à déterrer les morts jusqu’à perdre le souffle et la substance si tu ne trouves pas la faille, le passage où t’engouffrer pour garder le fil.Pour te retrouver comme on dit dans le vif du sujet, expression qui te cloue quasiment au sens propre, alors entre mort et vif c’est vite tranché, puisqu’à l’origine tu as déjà perdu.Le lieu est trop vaste et malgré l’absence ne ressemble en rien au désert, semble même étrangement habité, je crois que tu pourrais y vivre et peut-être en faire quelque chose si tu cesses de lutter contre ce qui t’envahit, si tu parviens à faire corps avec ça, à nager un peu plus avec le courant.Les vagues, les flux, les reflux, tu connais ça par coeur, alors si ce que tu crois tenir un instant file comme le sable entre tes doigts, tu n’as plus qu’à dégringoler la dune comme personne.Te rendre à l’évidence, déposer les armes, plaider coupable si tu veux, puisqu’il n’est plus question maintenant que tu as franchi la ligne, aussi floue soit-elle, de battre en retraite.Tu peux bien l’avouer que tu n’as pas de sujet, d’ailleurs la honte sécrète toujours en elle sa part de jouissance.A décharge il est vrai, tu dors peu, particulièrement ces temps-ci, alors tes idées ne sont pas très claires, tu n’as pas de système mais ça c’est peut-être une chance, ça foisonne en désordre, sans structure, avec toutes ces créatures hybrides qui poussent à l’intérieur de toi comme dans une forêt vierge.Te transforment en une sorte de poupée russe perpétuelle, juste pleine de ces filles qui naissent et vivent dans ton corps.Pourtant elles t’encombrent souvent, le silence s’il survient, tourne très vite à la cacophonie, aucun sens en apparence toutes ces voix à n’en plus finir.Au début la sensation était plutôt agréable, à mesure que les filles grandissaient, elles commençaient crescendo à se faire entendre et leurs mots te réchauffaient.Maintenant ils menacent de brûler si tu ignores la matière, si tu ne les recraches pas d’une manière ou d’une autre.Tu regorges de petits monstres affamés dont tu ne sais que faire, ni comment relier, assembler.Tu entends la musique mais ignores la partition alors tu essaies de les nourrir, de les faire jouer, d’improviser avec elles, puisqu’elles s’animent et prennent vie même sans toi.D’ailleurs si tu pouvais amputer un de leurs membres, il repousserait sois en sûre.Raconte-les une à une, même désaccordées, enchevêtrées, emmêlées, et même si personne ne rejoint vraiment personne.Au milieu de la nuit tu cherches sommeil, calme et réparation, mais c’est difficile, alors souvent tu restes en transit, creuses encore des galeries, fouilles avec la langue, brises et cherches ressac pour finir par sombrer.Et là aussi elles continuent de s’avancer vers toi, tentent de repousser les parois qui vous séparent, cette distance de sécurité que tu imposes quelquefois histoire de respirer tranquille.Leurs vies parallèles c’est comme un labyrinthe qui devient à la fois plus vaste et plus dangereux aussi.La population s’étend et les frontières, tellement minces et distendues, finissent par craquer à force de contenir, puis par tomber.Et partout des zones vierges ne cessent de se former, partout des îles nouvelles ou inconnues émergent, qu’il te faut découvrir et inscrire avant que le jour efface.Au matin tu penses pouvoir saisir quelque chose dans ce filet que tu remontes à la surface, mais ça t’échappe encore, alors après avoir vainement tenté de le séduire, tu finis pas noyer ton absence de sujet.Tu voudrais le saisir à bras-le-corps, le ramener jusqu’à toi comme on hisse un corps devenu trop lourd puisque déjà mort.Mais la corde ne résisterait pas et le courage te manque.Bref ça risque de mal tourner, parce qu’à force de glisser entre tes mains, te vient l’envie grandissante de lui faire vraiment la peau.À défaut ou pour te défouler, tu pratiques la strangulation du vide autour du cou gracile et fictif de tes héroïnes, enfin celles qui te tourmentent, parce qu’ici les filles sont soit désenchantées soit totalement démentes, ce qui laisse assez peu de perspectives mais un espace quand même.Alors peu importe après tout si personne ne rejoint personne, ce terrain-là au moins vous appartient.Bien sûr toi aussi tu pourrais être tentée de dire, ça y est je tiens mon sujet, ou mieux encore il m’a sauté à la gorge, mais il t’apparaît toujours bancal, mal ficelé, désespérément décousu.En fait il s’esquive chaque fois que tu te lances à ses trousses, ce qui est idéal pour se perdre en chemin.C’est pour ça que tu dis à ceux qui te questionnent, veulent savoir, s’informer, comprendre, donner forme et identité, s’assurer du bon déroulement comme de l’ordre des choses.À ceux-là tu réponds objet volant non identifié, ou bien pour vraiment saboter, installation de mots à plastiquer, comme ça ils se calment un peu, un temps, ou encore font semblant.Pourtant ça n’est pas tout à fait une pirouette parce que tu ne sais vraiment pas où tu vas.Alors non tu n’écris pas un roman puisque vraisemblablement tu ignores ton sujet, ne détiens aucune clef, ne maîtrises ni l’art du récit ni celui des rebondissements.Envoie au diable les ressorts psychologiques et les formes classiques, tout ceci te laisse froide et ne s’attrape pas au lasso.Tu es bien trop fragmentée, tu t’approches autrement, tournes autour, disparais puis reviens de manière souterraine, clandestine et assez inconsciente.Les laisser murmurer, crier et s’incarner dedans, dire simplement ce qui vient et ce que tu entends.La crédibilité ici n’a aucune importance, l’essentiel est de ne pas lâcher, alors tu y vas c’est tout, et même sans savoir où.Tu es sans doute un peu égarée entre deux rives, entre renoncement, peur et passage à l’acte, écart et précipice.Sauf qu’il n’est plus possible de reculer, alors tu écris quand même, envers et contre, mais aussi avec toutes ces choses en toi violemment indéfinies et pourtant plus que vives.Tu choisis le saut et gardes sans trembler les yeux grand ouverts.Te retournes un moment puis dévoiles et laisses tomber la chute, probable, infinie, verticale.Et puisque tu ne peux voir tous ces grains de beauté qui surgissent sur ta peau, essaie de les relier par points imaginaires comme s’ils possédaient eux le pouvoir de raconter l’histoire lentement essaimée.Le trait semble hésiter puis finalement s’allonge, trébuche, se déplie à nouveau, le souffle encore trop court.La densité de l’air presque caniculaire te pousse à poser le regard plus loin, au-delà, sur les étoiles, leur brillance intermittente, dans l’immensité se fixe et plonge.

J’avais très envie d’échanger avec Christophe Grossi dans le cadre des vases communicants. Il y a son dernier livre Va-t’en va-t’en c’est mieux pour tout le monde (publie.net) dont je vais sans tarder commencer la lecture puisque ça y est je l’ai ! Et le blog http://deboitements.net/ sur lequel je m’arrête et reviens si souvent parce que ces textes-là font écho et me laissent empreinte. Alors moi à côté je me sens un peu frêle mais très heureuse de recevoir en partage le précieux carte, écart & trace qui explore la mémoire, les méandres comme les déchirures d’un territoire organique, nous laissant un peu de son encre sur la peau. Quant à mon texte, Avant que le jour efface, vous le trouverez ici.


carte, écart & trace

Comme ils auraient mis une majuscule au début d’une phrase, nos corps ont scanné leur carte vitale avant de l’imprimer puis ils l’ont versifiée avec des restes d’enfance (on aurait dit qu’ils étaient en train de barbouiller leur professeur de géolocalisation) mais avec des mots adultes (vous êtes ici) en raturant certaines parties. On n’imagine pas nos vies sans bavures ni mots rayés sur la carte, ils ont dit.

Nos corps ont tenté d’y retrouver leurs frontières, leur luttes, leurs guerres intestines mais la mémoire oublie souvent d’escarper les côtes et de gravir les collines, la mémoire a oublié où ils s’étaient baignés, là où ils s’ébouriffaient les cheveux, la mémoire ne sait plus où s’isoler. Alors, comme les frontières n’étaient déjà plus si nettes au bout de trois ou de quatre passages et comme le pays est rapidement devenu une zone occupée, nos corps ont jeté la mine de leur crayon sur le pays dans lequel ils avaient trop longtemps vécu.

Ils n’ont pas enregistré ce fichier sur leur bureau en teck.

Nos corps ont tracé une nouvelle carte pour savoir dans quel quartier de l’orange ils s’épluchaient aujourd’hui, dans quel autre ils pourraient pourrir. Ils ont fait cet écart pour éviter de pourrir dans leur propre orange. Puis ils ont dessiné en mots (des balises en réalité) des attitudes, des choses qui ne se disent plus, des comportements contradictoires afin de connaître les différents lieux où soigner leur dédoublement : est-ce que le simple fait de se poser la question du vieillissement nous ferait vieillir ? Le temps qu’a duré la question (là où nos corps s’abîment) le temps, lui, ne les a pas attendus. Au mieux il les a rattrapés, au pire il les a rattrapés.

Nouvel essai lors duquel nos corps ont cherché à utiliser de nouveaux outils, des mots simples, les mots de ceux qui apprennent à écrire, et des abréviations, pas de phrases complètes en tout cas. Juste une liste de mots clés et solides, comme un tatouage dans le dos, jusqu’à ce que s’impose celui-là qui depuis longtemps déjà avait commencé à s’écrire tout seul et dont les trois premières lettres avaient été grignotées.

Nos corps n’ont rien sauvegardé, ils ont ouvert une nouvelle page pour retarder le moment où ils seraient engloutis. Alors ils ont coloré les bordures et bariolé certaines régions. Et ils ont écrit au cœur du dessin que souvent leurs jours étaient un combat sur la nuit. Ils ont ensuite noirci les contours, ils ont accentué les creux, ils ont arrondi les bosses et ils ont posé un livre blanc au milieu de la page.

Nos corps ont dessiné une carte au centre de laquelle un livre blanc a bu l’encre avant de disparaître.


Texte et photo, Christophe Grossi, Les vases communicants, octobre 2011.


Les vases communicants est un ensemble polyphonique initié par François Bon via son site Tiers Livre et Scriptopolis. Le principe : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. Ce beau programme a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites cités supra ainsi qu’entre Liminaire et Fenêtres Open Space. Merci à Brigitte Célérier d’avoir tenu à jour la liste des 25 échanges du mois, liste que vous retrouverez ici ou .

Une des filles qui vit dans mon corps s’est endormie quelque part, a du se paumer au creux du labyrinthe, je l’imagine tête en bas, jambes en l’air, sur un vieux sofa déglingué, couleur cramée, surface criblée.Elle mérite pas mieux la garce, sauf que c’est elle que je préfère.Il y en a d’autres à l’intérieur, je ne saurais dire exactement combien, finissent toutes par se ressembler, par coller au décor à force, elles profitent juste, se nourrissent des restes.De simples squatteuses, même pas invitées, des figurantes sous respiration assistée, n’ont pas la moindre idée de ce qui peut nous lier toi et moi.Quand je veux je débranche, mais bien trop faible en définitive pour les foutre dehors même si elles n’ont pas grand chose à dire.Et même si je ne remonte plus la mécanique de leurs jolis corps désarticulés, elles gazouillent encore un peu, je sais ça ne ressemble à rien et souvent j’ai envie de leur dire de la boucler, mais c’est comme un fond sonore, une musique d’ascenseur qu’on ne distingue plus, ça tient compagnie, ça assure l’intérim, parce-que moi je t’attends. Et depuis j’entends plus la guitare.Mais dormir aussi longtemps ça donne faim, alors j’espère qu’à ton réveil tu les dévoreras toutes, c’est léger, ça s’avale sur le pouce sans en avoir envie, c’est plus que light tu verras, t’en fais pas pour ta ligne.Et puis comme ça on y verra plus clair toi et moi, on pourra essayer de dégommer ce brouillard opaque qui nous colle à la peau depuis bien trop longtemps.A califourchon sur les branches, balance un peu les jambes, moi je monte le son, comme ça j’entends plus le battement, son accélération, ses dissonances et ses ruptures de rythme.Me cale sous la bataille de tes cheveux auburn avant de retomber, dégringole toi aussi, bancale avec le corps étreint, neutralise la douleur le temps de plastiquer.De toutes ces filles qui vivent dans mon corps, c’est toi ma préférée tu sais, parce-que tu n’as pas peur, tu balises pas, dans les deux sens du terme, même si tout ce désordre c’est complétement déroutant.Tu n’es pas vraiment belle, tu es plus que belle, parce-que jamais la même, qu’il y a cette chose indéfinie, infiniment troublante, fichée dans ton regard.Des yeux qui disent tout et leur contraire aussi, mais surtout ce qui doit basculer pour que rien ne se fige, alors moi cette vague, cet impact, je reçois cinq sur cinq.C’est vaste, un peu trop parfois, aucune paroi pour s’aggripper, y mettre les doigts c’est risqué, électrique et trop bleu ça bouleverse, tes rires se brisent de larmes et ta violence comme une allumette elle m’inquiète, mais j’entends sa caresse du plus profond qu’elle vienne.

Tu as quatorze ans et tu es déjà blessée, impacts planqués dedans, essaimés, noués au creux du ventre, trainées de poudre blanche et l’intérieur maquillée comme une voiture volée.Tu as quatorze ans et tu es déjà perdue, tu danses, ne sais plus faire que ça, tu danses et tu sens ce grand corps maladroit qui te tient serré, trop serré, la sueur qui perle de ses mains sur ton dos, ses mains qui remontent pour mieux redescendre, la chaleur du souffle sur ton cou puis les lèvres brûlantes qui se collent presque gluantes. Toi tu ne bouges plus, tu contiens, envie aussi violente de l’embrasser que de le repousser loin de toi, hors champ.Tu danses et tu oublies.Tu as quatorze ans pour toujours ou presque, tu danses encore et tu finis par t’attacher à force à cette fine cicatrice dissimulée tant bien que mal en filigrane à la gauche du plexus.Aimes bien passer ton doigt sur l’excroissance, la survivante, sorte de petite crête rouge mal recousue comme la bouche.Tu as quatorze ans et des poussières, entre ciel et mer les teintes presque uniformes se délavent, se dissolvent, manquent de bleu et d’or, seuls les yeux renversés distillent un goût de sel puis se laissent envahir et noyer d’eau de pluie.Tu as trois fois quatorze ans et ça saigne encore.Discrète hémophilie que réactive la rupture en interne, alors tu laisses couler.De l’éloignement progressif du champ partagé de l’intime survient l’effacement au monde, l’abstraction du corps, son absence de poids.De cette perte de sens où les lignes brisées font voler en éclats, jaillit quelque chose comme une forme incertaine, fragile, une lumière suffisamment douce pour éclairer les yeux même dans l’obscurité, pressentir les couleurs à venir, retrouver leur brillance, comme une peau de satin qui découvre la nuit et entrevoit le jour.Tu as quatorze ans mais pas exactement, pas seulement.Tu laisses fondre au soleil les baisers de plomb, les morsures comme des crocs plantés ici et là prennent des reflets de nacre.Tu abreuves et nourris tes quatorze ans, tu leur parles à présent puisqu’ils résonnent encore.Tu ne cherches plus à réprimer le flux et décapsules d’un trait les lèvres rouges pour mordre à même la bouche.Tu expulses puis recraches l’apnée en longue fumée blanche pour que s’apaise le tressaillement des muscles, se calme le battement en dedans comme la pulsation bleue fiévreuse sur le cou.Tu déplies et relâches lentement le corps presque désarticulé puis plonges dans le vague des ses yeux décousus sous les lambeaux de ciel déchiré.Tu n’as plus vraiment quatorze ans et tu tentes de mettre à nu, de faire ton allié de ce quelque chose de tes quatorze ans qui ne se décolle pas, reste là, sous la peau.Et tu danses.

En attendant qu’il nous lâche « Des fauves » son premier roman,  http://www.edkiro.fr/des-fauves.html (ici en pré-commande, exemplaire numéroté et dédicacé, livraison et sortie officielle en septembre),  Nicolas Albert G nous sert en guise d’apéritif cette nouvelle, allègre et dépressive comme j’aime..merci à toi.

Anita pleurait.
« Bordel ! Anita ! Ferme-la s’il te plaît ! »
Y avait pas moyen. Elle avait replié ses genoux à hauteur de son menton et elle ahanait à présent, verrouillée dans un petit monde bleu.
« Qu’est-ce que tu dis de ça ? » J’ai soulevé un morceau de pizza à la viande hachée et je l’ai fait naviguer sous son nez en imitant le bruit d’un avion.
C’était un hôtel pour cadres moyens tout en haut d’une tour à l’extrémité sud-est de Manhattan. 145 dollars la nuit et des chiottes minuscules.
Après le restaurant, on avait grimpé les marches quatre à quatre tellement on était excités elle et moi. Arrivés en haut on était morts, aucun d’entre nous deux n’était parvenu à baiser. Alors elle s’était mise à pleurer.
Sous nos pieds Manhattan ne luisait plus, du moins c’est ce qu’elle répétait entre deux hoquets, Manhattan avait cessé à jamais de luire pour elle.
Elle a déplié une jambe quand une crampe lui a mordu le mollet. Anita avait des problèmes de circulation. Anita avait pas mal de problèmes. C’était un condensé fiévreux de problèmes humains, Anita.
Elle avait passé la barre des cent kilos un soir de juin, à l’âge de 14 ans. Elle ne s’en remettait visiblement pas du tout.
Moi j’étais gros de naissance, je m’y étais fait, ce qui ne voulait pas dire que j’en étais fier, mais ça allait. Les soirs où Anita se mettait à pleurer comme ça, il fallait que ça n’aille pas trop mal pour ne pas céder à l’envie de lui écraser mon poing sur la gueule.
Elle avait calé ses bras sous l’oreiller et pleurait en travers du lit à présent. Des larmes de morve dégringolaient sur l’oreiller vertical et arrêtaient leur course dans les plis des draps, juste sous mes yeux. Une telle tristesse recouvrait les murs de la piaule que j’en ai eu le souffle brisé.
C’était un grand lit tout mou tout en haut d’une tour à l‘extrémité sud-est de Manhattan et moi aussi j’ai eu l’impression que la ville avait cessé de luire pour nous. On percevait au loin quelques hurlements de chiens, c’était tout.
J’ai entendu un crac et les pleurs ont redoublé entre les draps. Anita venait de défoncer le lit en se grattant la cuisse. J’ai ressenti l’appel de la mort. La pauvre était descendue de quinze bons centimètres et se tordait comme un poisson en murmurant à l’aide. Et le pire, le plus drôle dans tout ça, c’est que c’était pas moi qu’elle appelait à l’aide. C’était plutôt un appel au secours dirigé vers nulle part. J’ai allumé la radio quand Anita est redescendue de quinze autres centimètres.
Son corps était bancal à présent. Le creux de ses reins plus bas que sa tête et ses pieds, elle allait se déboiter une vertèbre à la vitesse où ça allait.
« Il faut se tirer d’ici », j’ai fait. « Il faut réfléchir à quelque-chose de mieux pour nous ».
Je me suis rassis pour songer à cette chose meilleure pour nous dans les craquements médiums de la radio. Dehors le vent s’était levé, histoire de nous faire goûter de plus près aux aboiements des chiens new-yorkais. Des bourrasques brutales, venues de la mer.
Je me suis imaginé qu’on pourrait louer une voiture et se tirer vers l’ouest, qu’on allait se laisser gentiment soulever par ce vent d’Europe. J’ai laissé déambuler cette sensation entre mes jambes et mon ventre. Elle n’avait aucune teneur mais me faisait du bien.
Couché aux côtés d’Anita, je me suis endormi comme ça, imaginant nos larges corps vautrés dans une décapotable en direction du Pacifique. J’ai même pas songé à baiser Anita pour réparer notre erreur. Je me suis endormi sans même y penser une seule seconde.
En face, vers trois heures du matin, une lumière blanche s’est allumée. « C’est pas trop tôt », j’ai soupiré.
Anita a ouvert un œil et l’a fait rouler vers la tache de lumière. Elle a demandé comme pour elle-même si c’était un ange qui venait lui rendre visite.

« Fais gaffe à ton dos », j’ai répondu en lui caressant la cuisse.
« S’il te plaît, fais gaffe à ton dos… », et me suis rendormi.

Nouvelle de Nicolas Albert G.

Pour tenter de faire entendre mes silences à durée indéterminée, je reprends ici ce texte initialement publié sur le blog de Christophe Sanchez http://www.fut-il.net/ dans le cadre des vases communicants de juin.

Passe quelques instants à observer les longues traînées de poudre que laissent les avions dans le ciel, trouve que les mots leur ressemblent quelquefois lorsqu’ils s’effilochent jusqu’à disparaître. L’envie de me laisser absorber par l’immensité comme on glisse, me rapprocher de la transparence, d’une forme d’absence puisque je n’entends ni la musique ni la respiration, égarée dans une langue qui m’échappe et ne m’appartient plus. Toujours connu ces ruptures dans le rythme, ces césures relativement brèves alors je sais que je finirai par y revenir, que les mots et le sens ne manqueront pas de se ranimer. Mais aujourd’hui je les regarde gesticuler comme une armée de petits soldats sur un champ de bataille, aucune envie de me battre, le goût de la défaite, de l’abandon, pouvoir déserter ce qui insidieusement se perd. Nécessité de me retirer, besoin d’une trêve pour tenter de réinventer ce qui simplement s’efface à défaut de réel effondrement. Ici dans la ville, pas moyen de trouver le silence, mais si tu écoutes bien, si tu parviens à faire abstraction de toi, juste absorbée par les bruits au dehors, ce qui te parvient de la rue par la fenêtre ouverte, suffisamment attentive, immergée dans l’instant, dans cette perte de repères déchargée de désir. Subsiste la matérialité des choses, une forme de vide, un système de pensée purement fonctionnel, sans mémoire, sans questions, dénué de vision, n’éveillant rien de particulier, ne débouchant nulle part. Tu es simplement là dans les tâches à accomplir, à essayer de décomposer les sons, lesquels au fur et à mesure remplissent l’espace, deviennent rapidement hypnotiques. Forcément la circulation quasi omniprésente, ce flux ininterrompu pendant la journée, plus ou moins dense mais toujours dans une vibration rapide et scandée par les avertisseurs sonores, les sirènes. Des éclats de voix qui remontent jusqu’ici lorsqu’elles sont un peu vives et puis en filigrane quelques mots dans des langues étrangères que paradoxalement tu aimerais comprendre, des cris et des pleurs aussi parfois. Des sons dans l’appartement que tu n’identifies pas immédiatement, sans doute des appareils électriques sous tension, désagréable à force ce bruit de fond qu’habituellement tu ne perçois même pas, sorte de grésillement presque insupportable à la longue, débrancher tout ça. Au bout d’un moment jaillit de ce désordre, une forme de cohérence, un rythme dans le battement chaud, inexorable de la ville, une improvisation libre et déstructurée, quelque chose qui s’apparente au free jazz. Et toi au dedans, comme un minuscule grain de sable, mais qui néanmoins participe vraiment, même passivement, de cette musique là. Etrangement de cette zone un peu grise et indéfinie à l’intérieur, sorte de no man’s land, remonte une sensation assez grisante de légèreté et d’oubli. Survient l’envie d’explorer librement ce qui t’entoure comme un enfant découvrirait un terrain vague, un lieu qui a toujours existé mais qui subitement lui apparaît comme un endroit pour lui, un endroit pour jouer mais aussi pour se perdre et s’isoler, quelque chose d’ouvert sur le monde. Alors finalement le silence ici je ne le trouve qu’avec toi et je ne peux même pas m’y cogner, m’y agripper puisqu’il n’existe pas de parois. Tu dis que tu es comme ça, qu’au moindre conflit tu te refermes, et là je ne sais même plus ce que tu évoques, comme perdu le fil. Pense juste que c’est difficile le silence, celui de l’autre, celui qu’on ne choisit pas et qu’il faut subir, celui qui semble engloutir et menace de tout recouvrir. Mais peut-être que si je parviens à dépasser ce tunnel, ce long corridor sombre et chaotique, si je fouille un peu plus profondément en toi jusqu’au fond de ta gorge, si je t’embrasse suffisamment longtemps pour toucher quelque chose de toi que j’ignore encore, peut-être que je trouverai une perle. Une perle à libérer et à recueillir avec la langue, une perle un peu froide au début mais qui se réchauffera progressivement au contact de ma bouche. Alors ne t’inquiète pas si jamais je la trouve un jour, on dira qu’on s’en balance. Et je continuerai à balancer des hanches juste pour toi comme on continuera probablement à s’envoyer au diable ou bien en l’air puis à se renvoyer au silence pour finir par le briser et retrouver la chaleur. Restera juste son goût sur la langue pour se dire qu’on a pas rêvé, que peut-être on existe.

Christophe Sanchez j’aime vraiment beaucoup ta plume alors j’ai simplement profité des jolis vases communicants de juin pour t’inviter ici Persona grata, en te remerciant pour ce très beau texte comme pour l’accueil chaleureux là-bas chez toi www.fut-il.net

Persona non grata ! C’est comme ça avec un air supérieur, le dédain coincé dans un sourire pleines dents que tu parlais d’elle, toi, la femme de grande vertu. Parce qu’elle, cette créature, disais-tu, il ne faut en aucun cas s’en approcher. Il faut l’éviter comme la peste, se méfier, c’est un animal invertébré, un serpent de l’enfer qui peut détourner du droit chemin tout jeune garçon pris dans ses crinolines. Vulgaire, elle est vulgaire, scandais-tu. Elle apostrophe, éructe et siffle sa perversité d’un venin toujours prêt à sourdre. Elle est capable de t’alpaguer au coin d’une rue, de serrer sa ganse à ton mollet, de te faire basculer sans salut, ni point de retour, la honte et le déshonneur à jamais suspendus sur ta tête.

Persona non grata ! Dans un roulis de paroles, tes yeux révulsés, l’opprobre léché sur tes joues, tu te vidais sur elle, sur sa désinvolture, sa trivialité et sa gouaille de mauvaise fille. Tant et tant que je ne voyais plus où trouvait la méfiance qu’il fallait s’accorder à prendre ; elle s’évaporait dans le flux de tes vilenies, se perdait dans l’exubérance de ta fronde. Des mots complexes, des phrases à rallonges ajoutaient du fiel à sa vie dissolue et moi, je te regardais, chien battu, ne comprenant pas quel mal aurait pu me faire cette femme à la peau laiteuse, au regard noir et si doux. Effet inverse, effet pervers, tout cela ravivait en moi la tentation de la persona non grata. Plus tu déblatérais, plus tu m’interdisais et plus je trouvais belle cette créature au crochet des portes rouges. Et l’envie soudaine puis permanente de me précipiter dans la rue, de courir vers elle, de monter derrière l’embrasure l’escalier haletant, de me blottir sans jugement et de gratter la persona.

Ce texte a été rédigé par Christophe Sanchez.