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baisers de pluie et bouche d’argile
frotte silex sur les amours liquides
nage sans relâche pour rejoindre l’île
quitte les murs nus de la maison vide

des amours sublimes il ne reste qu’elle
qui trébuche se cogne maladroite et frêle
contre les parois ici se rejoignent les lignes
et les yeux aveugles aux visions assassines

d’une main délicate elle dessine les courbes
qui relient les ombres aux corps détachés
les fleurs de la nuit aux senteurs trop lourdes
s’y entrelacent sauvages  en terrain brisé

et la voix silencieuse d’entendre encore
le chant la musique le fragile animal
les promesses qui tardent à s’envoler des corps
plus légères de sens elles n’en font pas moins mal

il est des baisers de pluie qui jamais ne s’effacent
des morsures trop profondes pour en ôter la trace
frotte silex sur les amours liquides
pour toujours à jamais sur la bouche d’argile

http://nuanau.blogspot.com/2010/11/celine-renoux-les-amours-liquides-rain.html

Il y a ce très léger et sans doute imperceptible tremblement au coin des lèvres, ce voile infime dans le bleu des yeux qui le rend moins intense, plus flou, entre ciel et mer les choses se fondent, la ligne d’horizon est incertaine, quelque chose s’est modifié

embrasser les paupières et le coin des yeux, effleurer les tempes fragiles, frôler les deux délicats grains de beauté juste en-dessous, glisser le long du cou, chercher la pulsation, m’y attarder un instant, dévaler le bel arrondi des épaules, suivre l’entrelacs de fines veines bleues jusqu’à l’intérieur du poignet, la peau si douce à cet endroit, y poser mes lèvres

Dos à la mer je me tiens silencieuse
loin de la vague les yeux fermés je garde
juste entendre le rythme le battement en dedans
se mêler au souffle au fracas au reflux
et puis ce chant qui vient entrouvrir les lèvres
lever les yeux au ciel et sentir de nouveau
la caresse du soleil et la fraîcheur du vent

Dans la nuit
brûlent les yeux
se meurent les fleurs
de glace de froid
recouvertes
évanoui le parfum
reste le jardin nu
dans la terre les mains
enfonce trouve racine
essaime
souffle poussière
d’or de cendres
libère le cri
s’envolent les notes
laisse filer
cherche ta mélodie
tourbillonne le vent
entend sa musique
emporté le torrent
la vague
laisse venir
esquissée la bouche
les baisers
ose la magie
enchante la fée
a dansé le faune
poursuit le chemin
si proche la colline
trop vite la course
pose toi un instant
calme le tumulte
de battre le coeur
écoute le rythme
le souffle
respire
s’enfuient les ombre
délace le lien
d’abandon fragile
et souple
perce la lumière
au travers du feuillage
égratigne les ronces
vivant le corps
laisse couler
mêlés le rouge le bleu
virevolte la jupe
éclosent couleurs
caressée la peau
pénètre la douceur
aux arbres grimpe
plus haut la cime
ruisselle la source
léger le chant
retrouve le goût
du matin perdu
en vertiges solitaires
éclaire de lune
encore

dans la nuit
je vois

 

Sous mes paupières closes
s’enfonce la lame brillante
transperce la nuit bleue
de l’homme au couteau sombre
son ombre tapie là
me guette prête à bondir
enfonce les dents chaleur
blancheur du cou fragile
qui s’offre presque nu
en garde la trace la morsure
le goût de cendres fraîches
m’échappe fenêtre ouverte
d’un souffle de vent se brise
et gît le couteau de verre
les pieds nus sur les braises
dansent jusqu’à épuisement
lâchés les cheveux comme
les mains désarmées

elle a longtemps cherché…tenté de mettre ses pas dans les siens, ceux qu’elle imagine…mais la ville est trop grande pour elle, peur d’y être engloutie, happée, fondue dans cette absence…étrangement elle sent toujours l’empreinte de ses mains autour de sa taille qui descendent pour tenir fermement ses hanches et l’étreindre de sa douceur un peu brutale, presque violente parce-que souvent contenue…alors elle refait le chemin, celui qu’elle connaît et qu’ils aiment…descendre Ménilmontant, rejoindre Belleville, filer jusqu’au Canal…les branches tombées des arbres  ralentissent sa marche, des volets qui claquent la font brutalement sursauter…un drap aux couleurs d’enfant abandonné sur le sol a du s’envoler d’un balcon, quelques chaises renversées aux terrasses des cafés…presque personne dans les rues…en profiter pour prendre des photos de ce Paris désert et quasi silencieux…même si le vent souffle encore, on dirait qu’il n’y a plus qu’elle…seule à entendre la musique alors que les oiseaux se planquent eux-aussi…elle et lui…ne sait plus trés bien lequel est le fantôme, ne sait plus très bien être sans lui dissociée…se sent comme étrangère à elle-même, et puis étrangère aussi dans la ville….dans l’errance elle prend une autre forme, en devient dangereuse, la retient prisonnière de son labyrinthe…la trace est trop fraîche, trop profonde…son souffle dans le souffle du vent..respire…ne pense à rien à force de penser, juste le vide qui creuse et le rythme à tenir… cadence fragile, la crainte que le sol ne se dérobe sous ses pas…trébuche sur une image…la silhouette d’un homme plutôt grand, longiligne, un chapeau sur la tête…il est de dos, déambule dans une petite rue de Lisbonne aux façades ocre jaune..il s’éloigne, la tête légèrement penchée vers l’avant…Alfama, le Bairro Alto, ou Belem, elle ne s’en souvient plus…aimerait le retenir, mais pas un son ne parvient à sortir de sa gorge nouée…un instant elle n’est plus sur le bord du canal, elle contemple le Tage du haut d’une colline…y plonger, rejoindre l’océan.francois-and-the-atlas-mountains

j’aime tes doutes aussi, tes interrogations…lorsque ce n’est pas un système, lorsque ça n’enferme pas…retourner à la source pour creuser encore, aller plus loin, se découvrir des ressources parfois insoupconnées, étonnantes…quitter le connu, les rives rassurantes et balisées, emprunter d’autres chemins et partir à l’aventure…l’écriture est une traversée solitaire, il faut un peu de courage mine de rien pour poursuivre, persévérer au-delà des doutes engendrés par cette immersion à l’intérieur d’un monde destructuré où il n’existe pas de parois…l’imaginaire est sans limites, tout est à construire, inventer, rêver, à transformer aussi…cette liberté imprenable s’accompagne d’une solitude vetigineuse et grisante, elle galvanise, on flirte avec une sensation d’ivresse et d’urgence à décrire avant que les mots ne s’enfuient, de toute-puissance un peu dangereuse, de tentation de maîtrise et d’abandon mêlés, dans une exaltation, un tourbillon qui nous emporte on ne sait où et nous laisse après exsangue, sans forces…il y a des moments d’abattement, des nuits sombres et désespérées, des nuits de chaos et de tempête…on a rassemblé nos forces, prêt au combat, livré bataille contre un adversaire invisible qui n’est autre que nous même, avec ses résistances qui semblent quelquefois insurmontables, donner un sens, une forme aux hiéroglyphes qui s’alignent telle une armée, un bloc de petits soldats menaçants, comme un mirage sorti de nulle part…on se croit vaincu, peut-être définitivement stérile…puis au matin le cauchemar s’efface, le brouillard se dissipe, vos luttes partent en fumée et laissent un champ, un espace, la vision est claire, nette, précise, ce qui semblait obscur est miraculeusement balayé par la lumière et tout est possible à nouveau…d’ailleurs au loin il te semble apercevoir un récif, un bout de terre qui émerge et vers lequel tu fais cap…revenir dans la vie, dans l’inexorable, dans le battement de son coeur chaud et dévorant, pour plus tard à partir de cette matière vivante raconter des histoires, nous emmener en voyage, avec cette fulgurance que tu as parfois à quitter l’intime pour saisir le mouvement collectif et embrasser l’aventure humaine, sa poésie aussi âpre et brutale soit-elle…tu disais « écrire pourquoi » ou « pourquoi continuer »…parce-que le mystère peut-être, la beauté inviolable du mystère, son éclat inaltérable dans la nuit, tenter de dire ça, s’en approcher, en restituer au plus prés les couleurs, le parfum, le souffle…
il y a ton blog : laviedangereuse.wordpress.com

Arrêt sur image, les surprendre là, à leur insu, au plus près de l’intime.

Enveloppés dans la lumière du matin, sa clarté limpide, draps blancs épars, membres mêlés, souffle régulier des amants endormis, son corps à elle, harmonieux aigu, blotti à l’intérieur du sien, déguingandé longiligne, comme une carapace qui la recouvre presque entièrement, la contient.

L’abandon a dessiné la posture, esquissé un sourire énigmatique sur leurs traits, on pourrait tenter de déchiffrer…lire l’apaisement après le tumulte, la confiance toute neuve, subsiste un éclat particulier, un émerveillement… la grâce qui en émane révèle le pacte magnifique qui s’est noué entre eux tacitement au coeur de la nuit, majuscule et blanche.

Nulle parole échangée, des soupirs, des râles, des cris peut-être…le corps a cristallisé les sentiments naissants…les mots d’amour n’on pas été prononcés, pourtant chacun les a murmurés en dedans et entendus dans le silence de l’autre.

A l’origine une émotion trés vive, un trac immense, un de ceux qui coupe le souffle et serre le ventre, les saisissant l’espace d’un instant comme s’ils se trouvaient au bord d’un précipice, lorsque reculer est encore possible pour fuir une sensation de vertige trop grand.Cette peur leur est familière à tous les deux, différement sans doute parce qu’elle se connaît peut-être mieux, a exploré plus profondément les méandres…

Brutalement la digue a cédé, libérant ce qui les retenait encore, effaçant le temps comme la pudeur et le désir longuement réprimé a déferlé presque violemment.

Plus tard dans la nuit, elle a songé à cette chanson italienne, grave et belle, un peu mélancolique, qu’elle aime fredonner…

« Quando sei qui con me, questa stanza non ha più pareti, ma alberi, alberi infiniti, e tu sei vicino a me, questo sofitto, viola, no, non esiste più, e vedo il cielo sopra a noi… »

« Quand tu es prés de moi, cette chambre n’a plus de parois, mais des arbres oui, des arbres infinis, et quand tu es tellement prés de moi, c’est comme si ce plafond là, il n’existait plus, je vois le ciel penché sur nous…. »

A fermé les yeux pour mieux le toucher, caresser le doux, le lisse, le rugueux, le tendre et le dur, parcourir les pleins, creux, angles et déliés…voyage en terre inconnue, exaltant et boulversant à la fois….le respirer jusqu’à l’ivresse, s’imprégner de sa peau par tous ses pores, se souvenir…garder en elle quelque part tous les parfums, la trace de ce corps qui creuse en elle un sillon, une empreinte profonde comme l’océan sur le sable, s’immerger en dessous du niveau de la mer, remonter à la surface…le bleu du ciel, l’or du soleil, l’horizon infini…triptyque éblouissant.

Il a pensé qu’il y avait en elle quelque chose de surnaturel et mystérieux, un mystère qu’elle ignore et qu’il devra respecter, c’est la promesse qu’il s’est faite, préserver cela, ne pas tenter de déflorer…il n’y parviendrait pas, ce serait vain, mais veiller à lui laisser un espace pour rêver, une parcelle secrète et poétique, il pressent que c’est essentiel, vital pour elle.

Il a senti la petite fille, fragile, troublante…la belle en son bois dormant qu’il conviendrait de ramener à la vie, parce qu’elle est un peu ailleurs, on ne sait où, mais ailleurs…lui préfère juste l’accompagner où qu’elle aille, même s’il perçoit aussi le danger chez cette femme enfant, moitié fée moitié sorcière, au regard bleu profond qui capte tout avec une acuité implacable. Dans l’amour elle devient animale, féline, humide et moite.

Ils se sont cherchés, rencontre incandescente, sauvage et douce, elle l’a guidé au début, puis il l’a emmené, loin.

N’être qu’une enfant, une fois pour toute.Rien d’autre.Sauvage et inadaptée au monde, définitivement.Se prendre pour une grande quelquefois et faire la fière…penser qu’on a franchi des étapes, imaginer qu’on progresse, que cette quête de soi nous mènera quelque part, qu’on sera récompensée forcément tôt ou tard de tous ces efforts, parce qu’on tient bon finalement, on s’aggripe, on ne lâche pas prise, on doute, on se cogne aux murs, à nos propres limites, mais on continue d’avancer, d’espèrer…malgré l’angoisse et l’obscurité.

Etre rattrapée chaque fois, immanquablement.Survivre à ça, en faire quelque chose.

Sa force est peut-être à la mesure de son hypersensibilité, de sa vulnerabilité extrême…pas sûr…mais le contraire reste aussi à prouver car jusque-là et vu de l’extérieur, elle semble intacte.Jusqu’ici c’était du jeu, se mettre de temps à autre en danger, par goût, par nature, pour ressentir dans sa chair…elle ne sait pas trés bien…mais ce ne fut pas si dangereux, passé au travers…aucune lésion irréversible apparente, y a laissé quelques plume certes, qui s’y frotte s’y pique…normal puisqu’elle a transgressé volontairement les régles, compte bien perséverer dans ce sens là d’ailleurs…une sorte d’entraînement, une préparation, se mettre en condition, pour être prête, un jour…et savoir le reconnaître s’il se présente…l’accueillir avec bienveillance, confiance et la plus grande délicatesse…Même si c’est éprouvant à la longue, toutes ces émotions imprévisibles, toutes ces couleurs, leurs variations infinies, qui vous traversent, vous transpercent, vous rendent poreuse…

A tellement peur d’elle-même…sait qu’elle est capable de détruire trés vite ce à quoi elle tient le plus…de se muer en un bloc minéral et dur, alors qu’au-dedans tout est dévasté, déserté et qu’il n’y a que fragilité, juste un édifice de verre sur le point de se briser.

Cette pulsion lorsqu’elle la sent venir et l’envahir, il est souvent trop tard, trop difficile à transformer puisque réprimer ne sert à rien, bien au contraire…ça vient de si loin, et la source n’est pas suffisamment identifiable, discernable, manque de lumière…c’est comme une marée qui monte, une vague trop grande pour elle…qui emporte, engloutit et la laisse seule, naufragée, punie, comme il se doit.

Parce-que c’est effrayant aussi ce sentiment qu’elle commence à ressentir pour lui en elle, ça prend toute la place…fusionnelle fissionelle, fictionnelle aussi dit-elle…comme si le perdre lui, signifiait sa perte à elle…amoureuse, joyeuse et pourtant menacée…demeurer vigileante.C’est peut-être ça l’amour…même si elle déteste les définitions, les mots plaqués, figés…paradoxale, ambivalente…et presque convaincue que le doute est salutaire dans une certaine mesure… la trop grande confiance lui paraît toujours plutôt suspecte..rend la vie plus facile peut-être mais quel interêt à ses yeux…alors juste une petite esquisse de l’amour…dans son abstraction totalement vivante, son opacité solaire, son mystère…capacité d’abandon… perdre enfin le contrôle, accepter le risque, et baisser la garde, avec insouciance et courage, la fleur au fusil…vivre au mieux cette cohabitation de bonheur inespéré et de perte éventuelle…savoir que notre vie est brève, voué à l’éphémère nous rend le sentiment amoureux absolument précieux, teinté de merveilleux, désormais et à jamais nécessaire…sensation d’éternité partagé l’espace d’un instant, ravissement…

Il n’y pense pas lui, à tout ça…il est dedans simplement…elle ne l’envie pas, n’a jamais souhaité emprunter un autre chemin que le sien, aussi tortueux et torturé soit-il…elle ne sait pas faire autrement, pas encore…s’obstinant à croire qu’envisager le pire la protège, qu’en apprivoisant l’idée, en la manipulant, en la retournant dans tous les sens, dans toutes ses hypothèses plus ou moins douteuses, elle conjure un peu le sort et pourrait surmonter si jamais…superstition absurde et vaine…la vie se chargeant toujours de nous surprendre, comme cette histoire la prend au dépourvu, la cueille, alors qu’elle ne se s’y attendait pas, ne cherchait rien d’autre qu’elle même, ne se sentait pas mûre, maintenant tout est balayé, aucune envie de résister, de lutter contre, ou de mettre en péril ce qui débute juste, cet élan qui les pousse l’un vers l’autre…le retrouver tout à l’heure…impatiente mais savourant cette attente délicieuse, faite de rêves, d’espoirs, d’exaltation…son corps électrique comme parcourue d’une onde lumineuse et chaude…sensation retrouvée d’exister pleinement, tous ses sens en éveil, perception aigûe du monde qui l’entoure..que tout soit possible, la vie, son parfum d’aventure…ça elle aime…

Est-ce que c’est une histoire simple…comme celle qui s’écrit sur cette page blanche, hiéroglyphes juxtaposés trés vite sans réfléchir, nullement décryptés, terrain vague en friche, broussailles et fleurs s’y enlacent presque soudés malgré les épines, les intempéries…l’inconscient seul me traverse et me dicte…juste un homme, une femme, se découvrant peu à peu, tissant suivant une cadence incertaine, mais qui n’appartient déjà qu’à eux, une trame fine, légère encore, une plume…s’y inscrit en filigrane ce qui les relie instantanément par le regard, ce qui échappe…pressentir que ce même fil peut aussi se dérouler brutalement, faire mal…la douleur, ce qu’elle redoute par dessus-tout…les cicatrices enfouies dedans, mal raccomodées, strates et couches mêlées, feuilles d’automne recouvertes par d’autres, n’attendent que ça, elle en est sûre, faire sauter les coutures à la sauvage, et dézinguer partout à l’intérieur, surtout le coeur, le ventre, faire vaciller le centre, mettre en danger…elle a volontairement et simplement glissé sur sa pente naturelle mais c’est un gouffre qui s’ouvre…n’a pas cherché à masquer les faiblesses, laissant entrevoir la médiocrité comme la possibilité de trésors cachés…Il y a ce foutu coeur, toujours lui, qui palpite et cogne, boxeur aveugle, k.o. debout, calmer tout ça, cette course folle, émotion grandissante, respirer régulièrement, pas son fort, pratique l’apnée comme l’amnésie…sa main à lui qui caresse son visage à elle, étrange et absolument impudique, elle la saisit par peur, presque maladroite, puis la garde, s’apprivoise, suspendue sur le fil, ne pas rompre le charme, la naissance de quelque chose d’innatendu…objet non identifié…